Pollinisation du verger
Directives pour une meilleure utilisation des abeilles
Prof.HMIMINA M’Hamed, m.hmimina@iav.ac.ma
La pollinisation par les abeilles requiert des techniques spécialisées, des compétences évidentes et un équipement approprié. Plus précisément, une maîtrise convenablement des quelques éléments biologiques de l’abeille nécessaires à cette opération (comportement, maladies et parasites, dangers qu’elle encoure en verger, etc.) est salutaire. Des aptitudes en matière de traitements et de maniement des ruches sont tout autant requises. Compte tenu de la valeur du cheptel apicole et des dépenses qu’il nécessite, les liens entre l’arboriculteur requérant le concours des abeilles et l’apiculteur procurant ce service doivent être régis par un accord clair et précis. En effet, une pollinisation réussie et un élevage apicole convenablement entretenu procèdent d’un partenariat ad hoc entre l’apiculteur et le producteur.
Principes de Pollinisation
En expression simple, la pollinisation est le transfert de pollen provenant des anthères (structure mâle d’une fleur) aux stigmates (partie de la structure femelle) d’une même ou autre fleur. En terme d’avantage, c’est une association à bénéfice réciproque entre l’abeille et la fleur. La plante fournit de la nourriture à l’abeille sous forme de nectar et de pollen, et l’abeille collabore à la reproduction de la plante (formation des graines).
Outre l’agent pollinisateur (abeilles et autres insectes), plusieurs facteurs hypothèquent la réussite de la pollinisation. Il s’agit particulièrement de l’environnement et des cultures à fertiliser. Pour permettre à l’abeille de jouer pleinement son rôle, des arbres fournissant du pollen approprié à une pollinisation croisée doivent être intercalés dans les rangs de la variété à polliniser. En règle générale, chaque arbre de la variété cultivée exigeant une pollinisation doit être situé à moins de 15 m d’un pollinisateur.
Facteurs agissants sur la pollinisation
La pollinisation par les abeilles est influencée par divers facteurs : densité de colonies, présence de pollinisateurs autres que les abeilles, vigueur des colonies, emplacement des colonies, période de pose des colonies par rapport à la floraison, compétition entre plantes sauvages et cultivées, conditions météorologiques, traitements pesticides du verger, etc. Nous examinons brièvement chacun des facteurs mentionnés ci-dessus.
a). Facteurs spatio-temporels, consistance des colonies et compétition
Période d’installation
L’époque d’installation des ruches varie en fonction de la phénologie des cultures, de la localité, de la météorologie… Si les abeilles sont transbordées tôt avant floraison, pareille précocité peut être une occasion de butinage sur d’autres plantes en fleur retardant ainsi leurs visites au verger considéré. Sur de nombreux arbres fruitiers, les abeilles devraient être présentes lorsque 5 à 10% des boutons floraux sont ouverts et y rester jusqu’à la chute des pétales.
Disposition des colonies
Les abeilles visitent davantage les fleurs prometteuses les plus proches, par conséquent, les colonies doivent être placées à l’intérieur du verger ou à côté mais aucunement au-delà de 500 m de la plantation visée. Lorsque la surface du verger est inférieure à 40 hectares, les colonies peuvent être placées en paquets de 4 à 8 ruches, réparties uniformément sur l’ensemble de la superficie. Le positionnement idéal se caractérise alors par : soleil du matin face à l’entrée, ombre après-midi, lieu peu venté, proximité d’une source d’eau, accès aisé pour l’apiculteur. Si le cheptel devrait être distribué sur des plantations plus grandes, les endroits d’accueil doivent être déterminés avant le portage des abeilles.
Densité des colonies par unité de surface
Pour la plupart des cultures, on conseille empiriquement un minimum de 2 colonies/ha. Malencontreusement, même si la ruche est établie dans la culture cible, les abeilles gagnent d’autres plantes environnantes. Un moyen d’évaluer la situation est le comptage du nombre d’abeilles visitant les fleurs de la culture cible par unité de temps. Si des abeilles sauvages et autres pollinisateurs locaux sont présents, le nombre de colonies d’abeilles domestiques à répandre peut être réduit.
Consistance des colonies
Une colonie destinée à la pollinisation doit être forte (plus de 30000 ouvrières au-delà de 3 semaines d’âge) avec une reine et un minimum de cinq cadres de couvain. Une faible colonie (moins de 4 cadres) n’aura pas assez de butineuses et dont la plupart resteront dans la ruche pour entretenir le couvain. Des colonies fortes seront plus actives ce qui peut conduire, en conséquence, l’apiculteur à demander une allocation plus élevée, en particulier si la culture est pauvre en nectar ou pollen, l’obligeant à recourir à un ravitaillement supplémentaire de son cheptel. Pour éviter tout litige, l’arboriculteur peut, en contrepartie, demander à l’apiculteur d’ouvrir quelques colonies au hasard pour constater leur vigueur.
Plantes compétitrices
Les abeilles butinent activement sur toute source de nourriture située sur un rayon de 500 à 2000 m de leur siège, mais choisissent les fleurs les plus riches en nectar et pollen. Certains arbres fruitiers (pommiers et poiriers) sont moins attrayants que la végétation environnante (mauvaises herbes en floraison). Il est conseillé d’insérer des pollinisateurs dans leurs rangs afin que les abeilles les visitent en même temps que les arbres à polliniser. Les butineuses ont tendance à se déplacer le long de la rangée en direction de l’arbre le plus proche plutôt que de franchir les rangées. Pour obliger l’abeille à se porter sur le cultivar cible il faut supprimer toute concurrence alimentaire sauvage. Et si cette cible est de surcroît peu attrayante, il est recommandé d’apporter plus d’abeilles pour réussir sa pollinisation.
Conditions météorologiques
Les pluies, les tempêtes et les basses températures réduisent drastiquement la pollinisation. Les abeilles s’activent en temps ensoleillé, sans nuages, calme, à des températures supérieures à 15°C et une vitesse du vent inférieure à 10 km/h. Lorsque les conditions ambiantes sont mauvaises, elles restent dans la ruche. Des conditions météorologiques défavorables (gelée, vent fort, grêle) affectent également l’état des fleurs en détachant leurs pétales qui attirent les abeilles et en emportant leur pollen et nectar.
b) Traitements pesticides
Les traitements pesticides mal conduits ont des conséquences fâcheuses sur les pollinisateurs et la pollinisation. La plupart des intoxications des abeilles par les pesticides surviennent lorsque les plantes sont en fleurs. Les symptômes d’empoisonnement peuvent varier en fonction du type de produits utilisés. Mais, si certaines précautions sont prises avant, pendant et après les traitements des arbres, les abeilles seront épargnées et resteront laborieuses.
Précautions à prendre
Lorsqu’ un traitement du verger s’avère nécessaire, il est conseillé de déplacer les ruches vers un lieu sûr. Pou cela nous préconisons de les recourir de toile de jute ou toute autre tissu grossier retenant les abeilles regroupées au-dehors de la ruche. L’arrosage répété avec de l’eau prévient toute surchauffe. Il ne faut surtout pas envelopper les abeilles avec des bâches en plastique. Ceci peut entraîner une caléfaction conduisant à leur asphyxie. De même, avant d’entreprendre toute application insecticide, il y a lieu de vérifier la présence de fleurs sauvages susceptibles d’attirer les abeilles, d’opter pour un pesticide sans effet sur les pollinisateurs et de vérifier l’activité des abeilles immédiatement avant l’application. Il est reconnu que les abeilles volent entre 8 heures et 17 heures et lorsque la température de l’air est d’environ 15°C. Ce comportement offre l’alternative des traitements crépusculaires ou nocturnes.
Choix des pesticides
La dangerosité ou l’innocuité d’un pesticide pour l’abeille est généralement signalée sur les vignettes du produit. En cas de doute, le fournisseur dispose de détails et recommandations sur les conditions d’utilisation de la matière qu’il commercialise. En général, les fongicides et les herbicides sont relativement inoffensifs, toutefois, certaines de ces substances peuvent avoir une incidence sur l’essor des abeilles et leur production. Quoi qu’il en soit, la sécurité et les considérations environnementales imposent une grande prudence en matière d’utilisation de tout produit phytosanitaire.
Au sujet des insecticides, bien que souvent toxiques, leurs effets changent selon la formulation. L’expérience montre que les produits micro encapsulés sont singulièrement nuisibles pour les abeilles. Leurs capsules, de la taille des grains de pollen, sont butinées par les abeilles ou fixées “électrostatisquement” à leurs poils. Ramenées ainsi à la ruche et entreposées avec le pollen, elles libèrent lentement et des semaines durant leur principe actif intoxiquant indubitablement tout l’élevage. Les poudres sont généralement plus dangereuses que les formulations liquides et les poudres mouillables plus dangereuses que les concentrés émulsifiables. Les formulations en ultra bas volume sont généralement plus dangereuses que les formulations liquides. Un autre problème à signaler est l’écoulement des bouillies en dehors des citernes et la formation de flaques d’eau stagnante contaminée aux alentours des lieux de préparation des bouillies. Les abeilles s’y approvisionnent pour se désaltérer et refroidir leur ruche s’empoisonnant et contaminant en conséquence tout le couvain.
Contrats de pollinisation
Un contrat entre l’apiculteur et l’arboriculteur est une bonne pratique en cas de litige ou de malentendus. Cet accord peut comporter les principaux points suivants : date d’installation et de reprise des ruches en liaison avec la floraison, lieu de la culture cible, nombre et consistance des colonies, schéma d’affectation des colonies, montant de la location, promesse de n’appliquer aucun pesticide toxique pour les abeilles durant la période de pollinisation, notification à l’apiculteur deux jours avant toute pulvérisation à entreprendre, droit de visites de l’apiculteur à son cheptel, accord des deux parties de délibérer et de rembourser à l’autre tout dégât survenu.