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Lutte contre la désertification

Journée mondiale de la lutte Contre la désertification et la sécheresse

Etat des lieux des Oasis de Tafilalet

Hrou ABOUCHRIF, hrou.abouchrif@gmail.com

La désertification est le résultat d’un cycle de dégradation des terres, transformant les sols, autrefois fertiles, en terres stériles. Elle occupe une source de préoccupation pour un grand nombre de pays à travers ses répercussions sur leur économie et leur environnement. Les sécheresses récurrentes et la surexploitation des ressources naturelles par l’homme (surpâturage, agriculture intensive, surexploitation des forêts, etc.) sont les causes les plus courantes de ce phénomène.

En 1994, l’Assemblée générale des Nations Unies a déclaré le 17 juin « Journée mondiale de la lutte contre la désertification et la sécheresse » pour sensibiliser l’opinion publique à ce problème et mettre en application la Convention des Nations Unies pour la lutte contre la désertification dans les pays éprouvés par de sérieuses sécheresses et/ou par la désertification, particulièrement en Afrique.

La désertification est un phénomène mondial, affectant les moyens de subsistance de 900 millions de personnes à travers les cinq continents et représentant un tiers des menaces pesant sur la biodiversité[1]. Considérée également comme une conséquence des changements climatiques, la désertification devient de plus en plus une réelle menace pour les populations des territoires arides et semi-arides.

La problématique des changements climatiques est devenue un enjeu majeur pour les zones oasiennes avec, à terme, de fortes implications environnementales, sociétales et économiques. Les effets de ces changements sont inéluctables et vont affecter de nombreux secteurs (eau, agriculture, tourisme, écosystèmes, etc.) avec des incidences négatives sur la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (ODM 1, ODM 6, ODM 7. Ces incidences seront d’autant plus importantes que les territoires seront fragiles et insuffisamment préparés, comme c’est le cas des espaces oasiens du Maroc[2].

Des budgets colossaux ont été investi et s’investissent encore dans le volet « recherche et développement » et dans l’organisation des séminaires et colloques pour débattre de cette problématique. Ces manifestations qui se déroulent dans les grandes capitales des pays développés sont souvent animés par des chercheurs et des universitaires qui viennent en mission dans des pays africains pauvres pour prendre quelques photos et revenir produire des documents et des rapports dont les recommandations attendues par les paysans et les nomades restent théoriques et souvent irréalisables sur le plan pratique.

D’autres chercheurs et spécialistes, qui passent plus de temps avec les populations et en adoptant une approche participative, arrivent toutefois à formuler de très bonnes recommandations pratiques qui, si elles ne se heurtent pas aux contraintes sociopolitiques, pourraient être très efficaces.

La célébration de la Journée mondiale de la lutte contre la désertification et la sécheresse  m’interpelle à contribuer modestement dans le débat de lutte contre ce fléau qui menace la durabilité des oasis de la Région Drâa Tafilalet (Maroc). En fait, je suis impliqué dans cette question depuis mon jeune âge en tant que petit berger. En accompagnent mon père dans les versant du Haut Atlas oriental, ce dernier m’enseignait l’importance du couvert végétal et me faisait apprendre les noms vernaculaires des plantes pastorales et leurs vertus.

J’ai commencé à recevoir des notions techniques et scientifiques relative aux sciences des sols et les écosystèmes à l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II (Rabat, Maroc) où j’ai préparé ma thèse d’ingénieur agronome en 1990 sur « l’évaluation des charges des vents et l’efficacité techniques et économique des méthodes de lutte contre la désertification dans la région de Jorf, province d’Errachidia ».  

Mais que s’est- il passé depuis cette date dans les oasis de Tafilalet ?

Les oasis constituent une barrière végétale et microclimatique naturelle contre l’avancée du désert. Elles ont un rôle social, écologique et économique majeur pour la Région Draa Tafilalet. Les progrès accomplis dans le secteur de la santé maternelle et néonatale ont engendré la croissance démographique, entrainant ainsi des besoins nouveaux en logement, équipements et des pressions sur les ressources naturelles.

Parmi les conséquences des sécheresses que connait la Région figure la dégradation intense de forêt de l’Acacia radiana dans la région d’Alnif. Ce peuplement très dense pendant les années quarante s’est transformé, par faute de précipitations, en forêts épars et en maquis.

Il y a lieu de signaler que les sécheresses ne datent pas d’hier. Selon Mr Jean Margat avec qui je me suis déplacé à Jorf en septembre 2015, des dizaines de khettaras ont été taris depuis le début du siècle dernier à cause de la sécheresse. Cet ingénieur hydraulicien, affecté au Maroc en 1948, a contribué à l’élaboration des premières cartes hydrogéologiques de la Région de Tafilalet. A l’époque de leur création en 1950, il était responsable au village de Fezna des premières stations de pompage, en vue d’assurer l’irrigation des périmètres agricoles touchés par le tarissement des khettaras.

Avant même la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement tenue au Brésil en 1992, le Royaume du Maroc s’est beaucoup investi dans la lutte contre la désertification dans la Région Drâa Tafilalet. Les années soixante-dix et quatre-vingt ont été marquées par la mise en place de plusieurs projets de lutte contre l’ensablement des palmeraies. Plusieurs programmes de stabilisation mécanique et biologique de dunes ont été mis en œuvre par le département de Eaux et Forêts, en collaboration avec plusieurs partenaires notamment l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO). Le Ministère de l’Agriculture était également impliqué, depuis cette date, dans cette lutte à travers les Offices régionaux de mise en valeur agricole du Tafilalet et d’Ouarzazate.

C’est après la manifestation de Rio que la société civile a commencé à s’intéresser à cette question à travers des programme de sensibilisation et la mise en œuvre de quelques projets de démonstration et de sensibilisation sur l’importance de préservation des ressource naturelles.

La Région Drâa Tafilalet, qui fait partie de la réserve de biosphère des Oasis du Sud du Maroc s’est dotée de trois réserves de gazelles et d’un Parc national (Haut Atlas oriental), qui viennent promouvoir des solutions réconciliant la conservation de la biodiversité et son utilisation durable. En vue de sensibiliser les populations sur l’importance de préservation de ressources naturelles, le Gouvernement marocain avait réalisé des centaines des projets dans le cadre des programmes Plan Maroc vert et l’Initiative Nationale de développement humain.

La majorité de ces projets, mis en œuvre sous forme d’activités génératrices de revenus, permettent aux populations d’améliorer leurs niveaux de vie en diminuant la pression sur le couvert végétal. La société civile, de son côté, a réalisé plusieurs projets inhérents à la lutte contre la désertification dans la Région Drâa-Tafilalet. Ces projets n’ont jamais malheureusement fait l’objet d’une évaluation globale pour capitaliser les meilleurs pratiques et identifier les expériences échouées pour les éviter dans le futur.

Parmi les meilleurs pratiques méritant d’être capitalisées figure la gestion des terrains de pâturage dans la Région de Talsint, assurée par la coopérative Elmassira. Grâce au soutien du pilierII du plan Maroc vert, elle a pu redynamiser le savoir-faire traditionnel de la jmaa en matière de gestion coutumière des parcours via la remise en place des techniques de mise en repos et les systèmes de rotation.

Dans le cadre du même programme, la création de la coopérative féminine END, visant la valorisation des plantes aromatiques et médicinales de la région de zaouia sidi Hamza, via l’implantation d’une usine de production des huiles essentielles, est considérée comme une autre expérience réussie et à reprendre dans d’autres zones.

Une autre expérience innovante, qui mérite d’être capitalisée et généralisée dans tous les douars, concerne la création des Associations des usagers de l’eau agricole (AUEA) qui sont dotées de l’utilité publique. Ces Associations ont facilité la création de plusieurs coopératives agricoles qui font recours à des stations de pompage solaire photovoltaïque, de façon à pouvoir rationaliser les techniques d’irrigation avec installation du goutte-à-goutte sur plusieurs hectares, grâce au soutien du Plan Maroc Vert.

La réalisation d’un « hammam » (bain maure) à énergie solaire par l’association AOFEP dans la Région de Tinjdad est également une bonne expérience à capitaliser, dans la mesure où cette innovation, une fois améliorée et généralisée à l’échelle de la Région Draa Tafialet, permettra l’épargne des milliers de tonnes du bois du chêne vert utilisés traditionnellement dans les hammams.

L’expérience de fixation biologique de dunes au niveau du périmètre IRDI, en vue d’empêcher l’ensablement d’un tronçon de route reliant Errachidia à Erfoud, mérite d’être capitalisée. Une expérience similaire est celle de la mise en défens d’un terrain de pâturage ayant permis de lutter définitivement contre l’ensablement d’un autre tronçon de la route reliant Goulmima et Tinjdad.

En revanche plusieurs autres projets ont été voués à l’échec à cause de la non-implication des populations oasiennes qui disposent du savoir et de savoir-faire très élaborés, de compétences diversifiés et d’une fine connaissance des lieux.

Par ailleurs, il y a lieu de signaler que les oasis de la Région Drâa-Tafilalet sont menacées, ces dernières années, par les incendies à cause de l’abandon par les agricultures des opérations d’élagage de palmes sèches et de nettoyage des touffes du palmier-dattier.

Pouvoir acheter et assurer la recharge des bombonnes de gaz butane est, certes, un indicateur de l’amélioration des conditions de vie des populations oasiennes, qui jadis utilisaient les palmes sèches dans la cuisson.

Conscient de la gravité de cette situation, l’Agence de développement des zones oasiennes et de l’arganier a réalisé une étude de mise en place des unités industrielles de valorisation de ces palmes sèches pour la production du bois de service et de chauffage. L’éventualité de redémarrer des chantiers de lutte contre l’ensablement à travers la fixation de dunes par des palmes sèches est vivement recommandée en vue d’inciter les agriculteurs à faire le nettoyage des touffes, évitant ainsi les incendies pouvant se déclencher avec les chaleurs torrides de l’été.

Poursuivant cette dynamique de lutte contre la désertification, l’Agence nationale de développement des zone oasiennes et de l’arganier met en œuvre actuellement un grand projet d’adaptation aux changements climatique en zones oasiennes visant entre autre à améliorer les conditions de vie des populations vulnérables par la diversification de revenus, et la résilience des écosystèmes par leur protection.

[1] http://www.unesco.org/new/fr/world-day-to-combat-desertification

[2] https://www.undp-aap.org/resources/projects/aap-maroc-mise-en-place-dun-syt%C3%A8me-dalerte-et-de-vigilance-contre-les-risques

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