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Agrumes : porte greffes tolérants au stress

Bassin méditerranéen

De nouveaux porte-greffes d’agrumes tolérants aux stress

 

L’agrumiculture mondiale, dont le bassin méditerranéen représente environ 20%, se développe sur des aires géographiques où les problèmes causés par la salinité des sols sont de plus en plus importants. De même, la culture y est pratiquée sous irrigation, mais les déficits hydriques sont fréquents et les eaux d’irrigation souvent salées.

 

Les équipes Cirad et Inra (France) ont entrepris d’évaluer la tolérance de nouveaux porte-greffes à l’égard de ces contraintes et cherché à élucider les mécanismes associés à la tolérance au sel. Un programme qui devrait déboucher sur des cultivars à même de faire face au changement climatique qui s’annonce dans la région. Par conséquent, la création de porte-greffes plus adaptés à ces contraintes constitue un enjeu majeur pour l’agrumiculture, d’où la nécessité d’évaluer la tolérance de nouveaux porte-greffes tétraploïdes.

Les porte-greffes d’agrumes ont en effet la particularité de produire spontanément des génotypes tétraploïdes par doublement du nombre de chromosomes, dans les semis diploïdes. La fréquence de ces doublements chromosomiques est très élevée pour certains porte-greffes. Ainsi, dans les vergers d’agrumes espagnols greffés sur le citrange Carrizo, 5 à 10 % des porte-greffes seraient tétraploïdes. Bien que ces tétraploïdes soient connus depuis longtemps, peu de travaux se sont intéressés à leur potentialité agronomique.

 

Des différences physiologiques marquées entre diploïdes et tétraploïdes

Les génotypes tétraploïdes présentent une physiologie, une morphologie et une anatomie très différentes de celles des diploïdes parentaux. Leur croissance est moindre – une régulation plus importante des échanges respiratoires à travers les stomates des feuilles en serait responsable. Leurs graines sont plus grandes, leurs feuilles plus épaisses et vert foncé, les entre-nœuds de leurs tiges plus courts et leurs racines secondaires plus trapues. La taille de leurs cellules est toujours plus grande que celle des diploïdes.

Ces plants présentent une tolérance à la sécheresse beaucoup plus forte que les diploïdes, tout comme les variétés diploïdes, tel l’oranger Valencia, greffées sur des porte-greffes tétraploïdes. Toutefois, dans les deux cas, il semble que la perception du stress ait lieu au même moment et conduise à une fermeture concomitante des stomates.

En situation de contrainte saline, la régulation des échanges respiratoires constatée chez les génotypes tétraploïdes serait également à l’origine d’une limitation de l’absorption des ions chlorures et sodium au niveau des racines. Le transfert jusqu’aux feuilles de ces ions toxiques dans le flux de transpiration serait réduit et rendrait ainsi les génotypes tétraploïdes plus tolérants au stress salin.

 

L’acide abscissique, un rôle clé dans la tolérance aux stress

En situation de contrainte hydrique, la régulation de l’ouverture des stomates est principalement contrôlée par la synthèse d’acide abscissique (ABA) dans les racines. Cette hormone est alors véhiculée dans le flux de sève jusqu’aux stomates, dont elle induit la fermeture. En l’absence de stress, les porte-greffes tétraploïdes synthétisent dans leurs racines plus d’ABA que les diploïdes. Les études d’expression des génomes diploïdes et tétraploïdes au niveau des racines confirment ces résultats.

La production accrue d’ABA chez les tétraploïdes serait à l’origine de la diminution des échanges gazeux (eau transpirée et CO2 absorbé) et pourrait expliquer la plus grande tolérance de ces plants à l’égard d’un stress hydrique. Cette capacité constitutive des porte-greffes tétraploïdes apporterait à l’association porte-greffe et greffon une meilleure résistance au manque d’eau. Elle serait aussi à l’origine de la moindre croissance de ces plantes et de leur plus forte tolérance au stress salin.

 

Préserver les ressources en eau

En Afrique du Nord, plus de 70% des ressources en eau sont utilisées pour l’agriculture. Les porte-greffes tétraploïdes, en limitant les besoins en eau des variétés, permettraient de préserver ces ressources. Un essai vient d’être planté à Elche, en Espagne, dans des conditions pédoclimatique contraignantes, où se combinent sécheresse, salinité et sols calcaires.

Outre la tolérance à ces stress abiotiques, il permettra de suivre les rendements de ces arbres dont la croissance est limitée. Cette caractéristique n’est d’ailleurs pas forcément un inconvénient : des arbres plus petits, plantés de façon plus dense et moins consommateurs d’eau pourraient être un atout dans la gestion des vergers.

Une étude réalisée avec l’Inra en Corse montre, par ailleurs, que la qualité de clémentines produites sur des porte-greffes tétraploïdes se maintenait. Pour optimiser ces résultats, le Cirad cherche à développer de nouveaux hybrides tétraploïdes associant tolérance aux stress abiotiques et résistance aux maladies.

 

De nouveaux porte-greffes tolérants au stress salin

Les agrumes sont classés parmi les arbres fruitiers les plus sensibles au stress salin. Cependant, une forte diversité existe pour ce caractère au sein de cette famille : Poncirus trifoliata (L.) Raf. est connu pour être très sensible alors que Citrus reshni Hort. ex Tan. (Mandarinier Cléopâtre) est l’un des génotypes les plus tolérants. La stratégie habituelle pour améliorer la résistance des porte-greffes est basée sur l’hybridation entre des parents ayant des caractères intéressants complémentaires. Une autre façon d’acquérir une tolérance au stress salin de porte-greffe est liée à la tétraploïdie par le doublement du nombre de chromosomes. L’analyse génétique et physiologique de la tolérance au stress salin de tout nouveau génotype est donc requise pour les programmes de sélection de variétés plus adaptées. Des études combinant des approches génétiques (cartographie du génome) ainsi que des approches physiologiques liées à la diversité du groupe des agrumes ont été réalisées afin d’être en mesure de corréler dans le futur les phénotypes de tolérance au stress salin observés avec l’expression des génomes respectifs.

Plusieurs paramètres physiologiques tels que le taux de croissance, la teneur en chlorophylle, la teneur totale en composés phénoliques, le rendement du transport d’électrons du Photosystème, la conductance stomatique ainsi que le taux de photosynthèse ont été mesurés.

 

Des mécanismes complexes

Différents comportements physiologiques de tolérance au stress salin en fonction des espèces d’agrumes étudiées ont été observés suggérant l’existence de différents mécanismes à l’origine de la tolérance au stress salin. Les cédratiers se sont révélés être les plus sensibles alors que tous les mandariniers et pamplemoussiers étaient tolérants. De nombreux génotypes, en parenté avec les cédratiers, ont présenté des symptômes de chlorose, des accumulations d’ions chlorure et sodium dans les feuilles et des changements des paramètres physiologiques. Les profils spécifiques de tolérance étaient quant à eux associés à un maintien de la photosynthèse même si de plus faibles valeurs de conductance stomatique étaient relevées. Dans le même temps, la croissance des plantes était maintenue avec de faibles accumulations en ions chlorure et sodium. Les pomelos ont montré à la fin de l’essai une chute des feuilles suivie par une nouvelle pousse que nous avons interprétée comme une réponse d’adaptation (comportement original non précédemment décrit chez des agrumes).

 

Intérêt des porte-greffes zygotiques ou tétraploïdes

Des travaux réalisés par le CIRAD montrent que des porte-greffes tétraploïdes permettent d’augmenter les propriétés de tolérance au stress salin et au déficit hydrique chez les agrumes. Il était donc utile de caractériser l’impact de la présence de porte-greffes zygotiques ou tétraploïdes sur les rendements et la qualité des fruits du scion, en relation avec la physiologie des arbres. Les résultats obtenus suggèrent que les porte-greffes hybrides, probablement issus d’autofécondations de Poncirus trifoliata, affectent relativement peu les rendements moyens contrairement aux porte-greffes tétraploïdes, issus de doublements chromosomiques dans des embryons de P. trifoliata, qui diminuent de façon très importante les productions sans toutefois changer la qualité des fruits.

L’analyse de la physiologie du clémentinier greffé sur deux porte-greffes diploïdes et sur leurs tétraploïdes suggère que la moindre croissance des associations porte-greffe tétraploïde/clémentinier est due notamment à une photosynthèse plus limitée. Cependant, ces porte-greffes confèreraient une meilleure capacité adaptative de la photosynthèse aux conditions environnementales. Les associations porte-greffe tétraploïde/clémentinier plantés à haute densité pourraient donc présenter une meilleure efficience de l’utilisation de l’eau et une meilleure tolérance au sel permettant de limiter l’irrigation sans toutefois altérer les rendements et la qualité des fruits.

A présent, les résultats de cette recherche vont être investis dans la sélection de nouveaux porte-greffes en condition de culture sur sol à forte salinité.

 

Sources :

www.cirad.fr/

 http://www.inra.fr/

 

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