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Trufficulture au Maroc

La trufficulture au Maroc

Une production qui vaut son pesant d’or

Dr Abdelaziz Laqbaqbi

 

La Tuber Mélanosporum, dite Truffe Noir du Périgord, est le champignon le plus recherché et le plus valorisé au monde. Après une chute vertigineuse de sa production dans toute l’Europe, au cours du vingtième siècle, on assiste aujourd’hui à une stabilisation de la production grâce aux plantations de chênes mycorhizés.

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La production mondiale annuelle de 50 tonnes reste très inférieure à la demande qui est de 200 t rien que pour la France, notamment par manque de nouveaux terrains à planter. Depuis 2006, le Dr Laqbaqbi et la société Agritruffe, ont prouvé que l’on pouvait produire de la Tuber Mélanosporum sur le sol marocain. La truffière de Debdou au Nord est du Maroc, dans la province de Taourit et la toute nouvelle plantation d’Imouzzer Kandar dans la région de Fès, témoignent de l’adaptation parfaite du champignon au terroir marocain.

Parallèlement, l’Etat marocain mène un vaste programme de valorisation et de protection de sa forêt constituée de 30% de chêne vert. Cette essence est l’une des plus aptes à former des mycorhizes avec le champignon de la Tuber Mélanosporum. Jusqu’à aujourd’hui, le chêne vert, Quercus Ilex, n’est exploité que pour le bois de construction ou le chauffage. Un développement de la trufficulture permettrait de valoriser cette espèce endémique du royaume et d’éviter ainsi la surexploitation de ce poumon vert. Cette culture permet donc de produire de la Truffe Noire et de préserver les richesses naturelles. 

 

Présentation de la trufficulture

 

Conditions de la trufficulture

Pour sa réussite elle a besoin de nombreuses conditions dont on peut citer :

– le choix judicieux du milieu et son aménagement : climat, topographie, altitude, sol, antécédents culturaux, etc.

– le choix de l’essence truffière la mieux adaptée au milieu retenu

– l’ensemencement du sol avec des plans mycorhizés par la Tuber Mélanosporum.

 

Choix du terrain

Il est essentiel de veiller, pour la mise en place d’une truffière, à réunir les conditions suivantes :

– Ecosystème favorable à la truffe : présence de genévriers, de cyste, romarin, etc.

– Orientation Sud et ouest

– Terrain en pente

– Points d’eau disponibles

– Sol favorable, de composition calcaire, avec un pH basique de structure meuble, grumeleuse, aérée

– Vierge de contamination fongique

– Rapport C/N proche de 10

 

Choix des plants mycorhizés

Pour l’essence, le chêne vert est préférable, car il est plus régulier dans sa production. Le noisetier peut également être une alternative, à condition de pourvoir disposer de ressources hydriques abondantes.

La société Agritruffe, forte de quarante années d’expérience dans la production de plants, travaille à partir d’une licence INRA. Ses plants sont contrôlés et garantis. D’autre part elle participe à l’identification des sols favorables, travaille sur des espèces de chênes autochtones et accompagne le trufficulteur sur le plan technique.

 

Itinéraire technique de création d’une truffière.

 

Préparation du terrain :

Avant la mise en place certaines opérations sont nécessaires :

– Epierrage éventuel : un terrain caillouteux et pauvre est très favorable

– Labour

– Installation de l’irrigation : goutte à goute les trois premières années, et aspersion ensuite

– Mise en terre des plants : aucun apport d’engrais ni de matières organiques n’est nécessaire

– Installation et entretien de cultures intercalaires favorables à la fructification (grenadiers, vigne, lavande, etc).

 

Entretien des arbres

Après plantation, et afin d’assurer une bonne reprise des plants, les soins suivants doivent être apportés :

– Irrigation : les besoins en eau sont minimes et doivent être apportés à des périodes précises, de juin à août.

– Protection anti gibier.

– Surveillance sanitaire : anticipation, diagnostique des maladies et traitement précoce si besoin.

– Favoriser une croissance végétative raisonnable, en limitant les interventions mécaniques et chimiques. Pour cela, il faudrait procéder à des tailles au printemps (viser une croissance annuelle de 15 à 20 cm) et à un binage manuel au printemps, permettant la taille des racines.

 

La trufficulture au Maroc

Les premières truffes noires du Périgord ont été produites en décembre 2006 à Debdou au lieu dit Tifzouine. Depuis, le Maroc compte parmi les rares pays producteurs du Diamant Noir que sont la France, l’Italie, l’Espagne, la Nouvelle Zélande, l’Australie et les USA. Cette première a été récompensée par le prix Pôle Nature et Découverte au deuxième salon International de l’agriculture de Meknès, remis par sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui a tenu à encourager et à suivre cette expérience.

La prospection a révélé que le Moyen Atlas est riche en terrains favorables à la trufficulture, alors que le Haut Atlas l’est beaucoup moins. Nous avons alors planté douze hectares de chênes verts truffiers, dont la moitié a été produite à partir de glands marocains mycorhizés par Tuber Mélanosporum, dans les laboratoires de la société Agritruffe. Cette deuxième plantation se situe à Aïn El Jarrah, Imouzzer Kandar, sur un terrain propriété de l’Administration des Eaux et Forêt, qu’elle a consentie en location longue durée dans un esprit de partenariat. Ce qui est remarquable, c’est que cette propriété a produit des truffes dès la troisième année. Il faut dire que toutes les conditions citées plus haut étaient réunies.

Le potentiel trufficole que représente le Moyen Atlas gagnerait à être exploité pour la production de Tuber Mélanosporum, dans le but principal d’éviter une disparition du chêne vert. Les truffières respectent l’environnement du fait de l’absence de mécanisation et d’engrais. Elles préservent la biodiversité et assurent la stabilité du milieu. Elles sont économes en eau, consommant 20 fois moins que l’arboriculture traditionnelle. Et cerise sur le gâteau, elles sont génératrices de revenus.

Cette dernière caractéristique est la motivation nécessaire pour que la population passe de l’abattage sauvage des arbres, à l’exploitation intelligente de la forêt. Outre que le Maroc y gagnera des forêts luxuriantes, cela aura l’avantage supplémentaire de fixer les populations sur leur lieu de vie, et de créer sur des terrains souvent pauvres, des activités annexes autour de la truffe, de la compétence de PME, comme l’écotourisme, la gastronomie, la conserverie, dressage des chiens truffiers, etc. La recherche ne sera pas en reste, et des partenariats pourront voir le jour avec les universités. La truffe est également dans ces pays de traditions, un trait d’union et de partage d’une passion avec le monde citadin, demandeur de l’authenticité des produits et du respect de la nature.

 

Comment encourager et développer la trufficulture au Maroc ?

Seule une politique publique active en matière de reboisement de plants mycorhizés peut donner des résultats. Les friches doivent être mises en valeur, dans les zones favorables, soit directement par l’Etat, soit en autorisant des occupations temporaires de longues durées, d’au moins trente cinq ans, avec un cahier des charges, et en subventionnant les plants mycorhizés.

Les plants doivent être soumis au même régime de taxes à l’importation que l’arboriculture traditionnelle. La Société Agrittruffe a la capacité de production nécessaire pour fournir les premiers plants et vu son expérience avec le chêne marocain, elle est déjà prête à mettre en place au Maroc, une unité de production de plants mycorhizés à partir des espèces autochtones.

 

Le Royaume du Maroc qui fait partie de puis 2006 du cercle fermé des pays producteurs de la Tuber Mélanosporum, ou truffe noire du Périgord, possède les atouts nécessaires au développement de la trufficulture. Les premières truffières sont en cours de production et les techniques culturales sont sans cesse améliorées. Si l’avenir semble radieux pour la truffe marocaine, il reste beaucoup de travail à accomplir avant de maîtriser au mieux la production du Diamant Noir.

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