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Maîtriser l’hétérogénéité au sein de la parcelle pour adapter sa fertilisation

MODULATION INTRA-PARCELLAIRE

Maîtriser l’hétérogénéité au sein de la parcelle pour adapter sa fertilisation

Pour leur campagne 2016, quatre agriculteurs du Geda de Scarpe-Hainaut, dans le Nord, se sont lancés dans la fertilisation de précision. Pour cela, ils ont expérimenté une méthode basée sur l’historique parcellaire de leur exploitation. Accompagnés par un bureau d’étude, ils ont repéré les anciennes parcelles remembrées et les prairies, puis réalisé des analyses de sol pour chaque zone repérée. La carte des fournitures du sol produite permet de doser les intrants au plus près des besoins.

Quatre agriculteurs du Geda Scarpe-Hainaut, dans le Nord, se sont lancés en 2015 dans la fertilisation de précision. Ils ont choisi de faire évoluer leurs pratiques en testant une nouvelle méthode apportée par Jean-Sébastien Berger, fondateur du bureau d’étude Berger Conseil

Mieux maîtriser l’hétérogénéité intra-parcellaire

 Pour établir un plan de fertilisation de ses parcelles, un agriculteur, bien souvent, procède en amont à des analyses de sols. Il sélectionne une zone jugée représentative de l’ensemble de ses parcelles et plusieurs prélèvements sont effectués dans un cercle de 20 mètres de diamètre afin de constituer un échantillon. Divers résultats sont obtenus : pH, teneur en potasse, en magnésie, etc. A partir de ces éléments, l’agriculteur va définir les doses d’engrais à apporter pour l’ensemble de ses parcelles, au regard de cette zone témoin.

Or, si ces prélèvements avaient été réalisés 20, 30 ou 100 mètres plus loin, les résultats des analyses auraient sûrement été différents et par conséquent le pan de fertilisation aussi. En effet, au sein de la plupart des parcelles, il existe une grande hétérogénéité intra-parcellaire.

Cette méthode « classique » présente des limites car l’ensemble des parcelles n’a pas des besoins forcément homogènes. 

Réduire le coût des intrants

 Sur le terrain, les agriculteurs font le constat économique suivant : ils ont besoin de réduire le coût des intrants, notamment des engrais, sans risquer une perte de production, de rendements. Le sol de la région est riche, il présente de fortes teneurs dans le sol. Cela s’explique d’une part, par son passé, fortement tournée vers l’élevage ovin, avec de très nombreuses prairies naguère pâturées. Et d’autre part, la précédente génération d’agriculteurs en grande culture a eu des pratiques en fertilisation très impactantes sur le niveau, aujourd’hui élevé, de potasse et phosphore dans les sols. De ce fait, certains ratios entre éléments du sol sont fortement déséquilibrés. 

Le déclencheur : une formation à l’agriculture de précision

 En 2014, une dizaine de membres du Geda Scarpe-Hainaut participe à une formation d’une journée sur l’agriculture de précision, organisée par la Chambre d’agriculture du Nord-Pas de Calais. La matinée était consacrée à l’agriculture de précision en général, puis l’après-midi à une application concrète : la fertilisation de précision. Jean-Sébastien Berger, fondateur de Berger Conseil, bureau d’étude spécialisé dans l’agriculture de précision, est intervenu tout au long de cette formation. 

Une méthode basée sur l’historique parcellaire

 En 2015, forts de leurs constats économiques et de la volonté de mieux adapter leur fertilisation au plus proche des besoins précis de leur sol, 4 agriculteurs pionniers se sont regroupés pour travailler la thématique de la fertilisation de précision. D’autres agriculteurs du Geda se sont montrés intéressés pour suivre les résultats de cette expérimentation. Pour les accompagner, ils ont fait appel à Berger Conseil.

Cette entreprise de conseil a développé une méthode originale et simple. Elle propose aux agriculteurs de retracer l’historique de leurs parcelles et d’y repérer des zones ayant un stock homogène, lié à des pratiques de fertilisation homogènes. L’objectif est notamment de repérer les anciennes prairies car elles sont un atout positif (fertilité, qualité du sol) pour les fermes d’aujourd’hui.

 

Un champ de 20 ha regroupe peut-être 15 petites parcelles autrefois exploitées par plusieurs agriculteur aux pratiques bien différentes.

Un champ de 20 ha regroupe peut-être 15 petites parcelles autrefois exploitées par plusieurs agriculteurs aux pratiques bien différentes. (©Amazone)

Une parcelle peut en cacher bien d’autres

 En effet, une parcelle aujourd’hui de 20 ha, a peut-être été il y a 30 ou 40 ans, une division de 15 petites parcelles exploitées par plusieurs agriculteurs aux pratiques bien différentes. Peut-être aussi que parmi ces parcelles, certaines étaient des prairies.

Afin de retracer cet historique parcellaire, Jean-Sébastien Berger travaille à partir d’anciennes photos aériennes de 1945 à nos jours, de cartes de remembrements, d’une visite in situ et d’échanges avec l’agriculteur.

« Les cartes anciennes viennent de l’IGN (BD ortho historique), mais on ne peut pas tout y trouver. Les photos aériennes sont aussi un support. Pour cette méthode, nous nous fixons l’objectif de repérer les anciennes prairies avec une précision de 3 mètres près. C’est la marge que pourra compenser l’épandeur avec ses rampes au sol. Nous arrivons à convaincre les agriculteurs qu’aller voir, même 50 à 60 ans en arrière, c’est utile. En général, ils ne sont pas surpris des résultats. Là où la teneur du sol est bonne, ce sont souvent des zones où la production est bonne », explique Jean-Sébastien Berger. 

Création d’une carte des fournitures du sol

 « Suite à ce travail de recherche, on comprend l’importance, en termes de fertilisation de fond, de ne pas considérer une parcelle comme une seule entité, mais bien comme la juxtaposition d’une multitude de petites parcelles qui, au fil des années, ont été conduites différemment », précise Yannick Coperec, conseiller en productions végétales à la Chambre d’agriculture du Nord-Pas de Calais. De ce fait, pour une parcelle de 20 ha par exemple, il ne faudra pas réaliser 1 analyse de sol, mais 5, 10, peut-être 20 en fonction de l’hétérogénéité intra-parcellaire repérée. Chaque échantillon prélevé est géo-localisé.

Avec le résultat des différentes analyses de sols, une carte des fournitures des sols pour 8 éléments (P, K, Mg, MO, pH, pHKCl, CaO, Calcaire Total) est réalisée. « On se rend compte alors que l’on peut avoir au sein d’une même parcelle des zones très bien pourvues (zones où l’on va pouvoir déstocker des éléments) qui se juxtaposent à des zones plus pauvres (où il est déconseillé de faire des impasses). Et si la parcelle a été très remembrée, on peut observer de très grandes variabilités des teneurs dans le sol. Et cette grande variabilité entraîne des conseils différents  ». Le travail de prélèvement d’échantillon et d’analyse est à renouveler tous les 5 à 7 ans.

Exemple de carte de fourniture du sol en potasse pour une parcelle de 25 ha. Les sous-parcelles au nord sont déficitaires et celles au sud très fournies.

Exemple de carte de fourniture du sol en potasse pour une parcelle de 25 ha. Les sous-parcelles au nord sont déficitaires et celles au sud très fournies. (©Berger Conseil)

Cette cartographie s’accompagne de conseils annuels. Jean-Sébastien Berger définit avec l’exploitant ses objectifs (économiques, agronomiques) et sa stratégie. Enfin, le bureau d’étude livre une carte des doses à apporter sur les différentes zones de la parcelle. Les préconisations sont réalisées selon la méthode Comifer, qui intègre l’exigence de la culture, ainsi que l’historique récent de fertilisation. Cette carte est remise sur un support numérique adapté à l’épandeur. 

La nécessité d’un épandeur adapté

 La principale limite de cette méthode est la nécessaire utilisation d’un épandeur moderne permettant la modulation des doses apportées. En effet, la carte de travail produite est insérée dans l’ordinateur de bord programmable de l’épandeur. Associé à l’installation d’un GPS (pour permettre de localiser l’outil au champ) et sous condition de relier le tout, les informations peuvent alors être programmées. L’épandeur va ainsi moduler le volume de produit épandu selon sa localisation sur la parcelle.

« Aujourd’hui, quasiment tous les épandeurs neufs ont des options de modulation des doses. Les prix varient de 18 000 à 30 000 €. La maîtrise de l’outil est toujours un peu difficile au début : installer le bon câble, accorder des matériels de différentes marques. Je conseille souvent de bien vider la mémoire de l’ordinateur avant utilisation afin qu’il soit plus réactif », précise Jean-Sébastien Berger. 

Améliorer la performance des exploitations

 Cette méthode de fertilisation de précision présente d’importants intérêts économique et environnemental. Concrètement, avec cette approche en précision, les apports réellement faits dans les parcelles sont réduits, comparé à la méthode classique. Les intrants utilisés sont dosés plus précisément, éléments par éléments, selon les besoins effectifs. « Les gains annuels constatés pour le collectif sont de 40 à 80 € par hectare sur la betterave, de 20 à et 50 € pour les pommes de terre et de 15 et 20 € pour le colza. Nous n’avons pas encore évalué cette méthode d’un point de vue environnemental, mais de fait moins d’intrants sont mobilisés », ajoute Yannick Cosperec. « Par contre, il n’y a pas de gain de temps, il est même quelque peu augmenté. L’agriculteur, une fois la carte reçue, réalise 2 passages sur les parcelles, un pour l’élément phosphore et un pour l’élément potasse. En effet, les teneurs de ces deux éléments n’étant pas liées, et les teneurs d’une sous-parcelle à l’autre n’ayant rien à voir les unes avec les autres, nous préconisons une fertilisation avec des engrais monophasés et non des binaires ou tertiaires. C’est ainsi qu’on est précis ».

Bien sûr, il faut y soustraire, la première année, le coût de la prestation et des analyses. Il s’élève à environ 75 € l’hectare, s’il y a une analyse par hectare. 

Rééquilibrer les sols

 A moyen et long terme, cette technique permet de gérer les sols de manière patrimoniale : les zones où l’élément est en faible quantité seront rechargées et les zones où l’élément est en forte quantité bénéficieront d’une fertilisation adaptée. L’équilibre du sol est recherché.

« Les agriculteurs ont le sentiment d’avoir une meilleure maîtrise de ce qu’ils font, d’être plus précis. Ils ont une meilleure connaissance des parcelles et une fertilisation adaptée au plus près, ce qui signifie aussi une meilleure maîtrise des coûts ».

Un bilan de fin de campagne 2016 est prévu. Les résultats des quatre agriculteurs engagés dans cette nouvelle pratique seront diffusés au sein du Geda de Scarpe-Hainaut. La dimension technique et agronomique de cette méthode semble être un vecteur puissant pour intéresser les exploitants et faciliter la diffusion des résultats

Source : www.terre-net.fr

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