La planète pourrait-elle se retrouver un jour sans oranges, ni citrons, des fruits aussi bénéfiques à la santé qu’ils sont accessibles à toutes les bourses? Après avoir décimé la quasi-totalité des orangers de Floride, affecté la Californie et le Brésil, la maladie du Dragon jaune, mortelle pour les agrumes et sans traitement existant, menace aujourd’hui le pourtour méditerranéen, estiment des chercheurs.
Connue sous le sigle HLB, pour Huanglongbing (maladie du Dragon jaune en chinois) elle s’est «propagée depuis le milieu des années 2000 avec un impact et une rapidité phénoménales», dit à l’AFP Eric Imbert, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) à Montpellier, dans le sud de la France.
Le psylle africain transmet une forme moins forte de la maladie. Il a été détecté au nord de l’Espagne, et au Portugal, où des arrachages ont déjà eu lieu. «Sans vouloir affoler, (…) si nous ne faisons rien en terme de prévention, nous pouvons avoir une catastrophe majeure, avec des prix qui doublent ou triplent», prévient le chercheur. Pour preuve, le cas de la Floride: entre 2005 et 2017, la production d’oranges y a chuté de près de 60%. Le prix de gros du jus d’orange concentré a plus que doublé à 2500$ la tonne, car les coûts de production se sont envolés. «Nous ne sommes pas à l’abri d’un phénomène de même ampleur sur le marché des petits agrumes frais en Méditerranée», dit M. Imbert.
Selon la revue spécialisée FruitTrop, 21% des oranges, clémentines et citrons consommés dans le monde viennent des vergers qui s’étendent du Maroc à l’Égypte et du Portugal à la Turquie, en passant par l’Italie ou la Grèce. Cette région du monde contrôle 70% des exportations mondiales d’agrumes.
«Le cri d’alarme, ça fait longtemps que les chercheurs le poussent, auprès des autorités européennes notamment, mais on a l’impression de hurler dans le désert», dit M. Imbert.
Suivant les pays, les réactions ont été différentes. Le Brésil, gros exportateur de jus d’orange, a eu massivement recours aux insecticides. La Californie arrache, replante et surveille son verger. Mais cela coûte très cher.
La Floride n’a pas pu utiliser trop d’insecticides, car ses plantations sont trop proches de zones urbanisées.
Son verger a dépéri d’autant plus rapidement que les arbres ont été fragilisés par plusieurs cyclones. Et un arbre d’ornement très populaire, le Muraya, y agit comme un «réservoir à psylles» sans contracter la maladie. «99% du verger floridien est contaminé», selon Éric Imbert.
Si l’insecte arrive en Méditerranée, le chercheur craint une propagation rapide, de type «floridienne» car «il est difficile d’utiliser les insecticides»: «Il y a beaucoup de petites exploitations avec un tissu habité autour.»
Les chercheurs travaillent tous azimuts. Sur la génétique notamment. Mais la bactérie est difficile à étudier car «on ne peut pas la cultiver en labo» dit Raphaël Morillon, chercheur au Cirad en Guadeloupe, dans les antilles françaises.
Un congrès HLB a lieu tous les deux ans à Orlando (Floride). «Les Américains se vantaient d’avoir des solutions, mais l’an dernier tout le monde est resté sobre, plus personne ne parle de solution miracle» dit M. Morillon.
L’Académie nationale des sciences américaine a publié le 10 avril une étude selon laquelle la maladie était devenue chronique dans toute la Floride et aucune solution miracle n’existait.
Seul endroit où l’on a pu la contraindre, La Réunion. On a arraché les arbres, et replanté plus haut à une altitude où les psylles ne survivent pas.
En Corse, où se trouve l’un des plus beaux conservatoires d’agrumes du monde, avec près d’un millier d’espèces en pleine terre, on prie pour que la Méditerranée fasse tampon encore longtemps. Toute importation d’arbre du continent est interdite. L’Institut national de la recherche agronomique a commencé à mettre sous serre anti-insectes une partie de sa collection, et se lance dans la cryogénie pour protéger le patrimoine génétique, les pépins.
Source: AFP