Morocco Berry Conference est un événement incontournable qui cible les professionnels des fruits rouges du Maroc et d’ailleurs, avec la participation de professionnels et d’experts du monde entier. Organisée par Green Smile & Hortitool, avec le soutien de l’association marocaine des producteurs de fruits rouges, l’édition 2022 s’est tenue les 9 et 10 novembre à Agadir. Elle a rassemblé plus de 550 participants de 30 pays venus s’informer sur les techniques de production les plus avancées, ainsi que les évolutions et tendances du marché des fruits rouges.
Cet événement, qui est à la fois une conférence et un espace d’exposition, a connu un franc succès grâce à la qualité des intervenants et à la diversité des entreprises marocaines et étrangères exposantes. Quant aux participants, ils étaient en majorité des producteurs et exportateurs de fruits rouges, des consultants, ainsi que des fournisseurs d’intrants agricoles couvrant la totalité du processus de production, de la pépinière jusqu’à la post-récolte, en passant par les équipements de manutention, traitement, emballage, refroidissement et logistique.
De nombreux experts se sont relayés lors de ces deux journées et ont abordé des thématiques d’actualité et de grande importance pour la filière. Nous nous contenterons dans ce compte rendu de donner un aperçu des différentes interventions, mais nous reviendrons plus en détails sur certains sujets dans nos prochaines éditions.
Tendances du marché
M. Amine Bennani, Président de l’Association Marocaine des Producteurs de Fruits Rouges, a fait un tour d’horizon du secteur des fruits rouges au Maroc qui couvre actuellement une superficie totale de 11.500 Ha (fraise 3500 Ha, framboise 4000 Ha et myrtille 3900 Ha), dont 25% à Agadir et 75% entre les périmètres du Loukkos et du Gharb. Il a aussi présenté l’évolution des exportations en frais (60%) et en surgelé (40%) pour ces différentes espèces, destinées essentiellement au pays d’Europe.
Le Maroc exporte ses fruits rouges vers plus de 54 pays et est classé septième producteur mondial de fruits rouges, avec l’ambition d’atteindre prochainement la cinquième place grâce à ses fortes potentialités et à l’amélioration continue des rendements. Par ailleurs, les opérateurs marocains cherchent à conquérir de nouveaux marchés, principalement la Chine, pour éviter la période de sur-approvisionnement qui caractérise généralement les mois de mars et avril sur le marché européen.
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Cependant, actuellement, les opérateurs de la filière sont préoccupés par la conjoncture internationale difficile et les contraintes qui peuvent entraver le rythme de son développement. Par ailleurs, le protectionnisme dont font preuve les opérateurs européens vis à vis de la production marocaine de fruits rouges a conduit M. Bennani à souligner que plus de 80% des intrants utilisés (plants, films plastique, packaging, logistique, fertilisants, …) par les entreprises marocaines sont importés d’Europe. Dans ce sens, le business des fruits rouges doit être considéré comme un partenariat stratégique WIN WIN entre le Maroc et l’Europe, et dont tout le monde doit se retrouver gagnant qu’il s’agisse du producteur, du consommateur ou de tout autre maillon de la filière.
Rappelons que le Royaume bénéficie de nombreux avantages stratégiques comme la situation géographique aux portes du 2e marché mondiale, les infrastructures routières portuaires et aéroportuaires, la diversité des régions de production, la disponibilité des solutions génétiques, le haut niveau technique des producteurs et leur adaptation rapide aux aléas du marché, la main d’œuvre locale qualifiée, … Cependant, la filière doit faire face à de nombreux défis et risques, et les producteurs sont appelés à devenir de plus en plus efficaces, sur les plans de la production et de la commercialisation, pour rester compétitifs.
Côté commercialisation, certaines interventions ont souligné l’importance d’adapter l’offre et la stratégie en fonction du marché destinataire. A titre d’exemple, pour commercialiser les fruits rouges marocains sur le marché anglais où le commerce de détail reste dominant, il faut faire preuve de beaucoup de professionnalisme et disposer de toutes les certifications liées à la qualité et l’environnement.
Plusieurs exposés ont concerné la myrtille dont la consommation augmente de plus en plus en Europe par rapport aux autres fruits. Les pays producteurs et les pays émergeants intensifient ainsi leurs efforts pour répondre à cette demande croissante. Mais la hausse prévue de l’offre au niveau mondial a conduit les experts à avertir que cette production doit rester en phase avec la demande du marché. Ils insistent ainsi sur l’importance de maintenir un très bon niveau de qualité qui satisfait distributeurs et consommateurs, pour ne pas nuire à ce commerce en plein essor.
L’innovation variétale est le premier vecteur de la qualité suivie des techniques de production (maitrise de la fertirrigation, gestion de la récolte, triage, post-récolte, …) pour pouvoir rassurer le consommateur et dépasser la concurrence des autres produits. Par ailleurs, il est important de continuer à créer de la valeur, notamment par la segmentation de l’offre pour mieux répondre aux attentes des consommateurs, et la création de nouveaux usages qui suscitent le besoin et l’envie.
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Avancées de la conduite des fruits rouges
Cette session technique de la conférence avait pour objectif de fournir aux producteurs des indications qui peuvent les aider à atteindre un bon niveau de performance sur ces cultures relativement récentes au Maroc. Au vu des investissements substantiels requis au départ de la culture et des exigences des clients, la maitrise technique s’impose à tous les niveaux pour assurer une production satisfaisante en termes de rendement et de qualité. Les consommateurs exigent par exemple que les fruits qu’ils achètent soient issus de productions durables. La recherche scientifique s’active donc pour rechercher des composés naturels performants qui peuvent entrer dans la composition de produits biopesticides, biostimulants et prébiotiques à 0 résidu.
Par ailleurs, de nouvelles technologies reposant sur d’intelligence artificielle permettent désormais au producteur de gérer plus efficacement son exploitation grâce à l’analyse des stades de croissance, l’évaluation de la santé des cultures et l’identification des zones de fructification élevée/faible afin d’estimer le rendement et cueillir les baies dans les bonnes zones, au bon moment, réduisant ainsi le gaspillage et les coûts de main d’œuvre.
Les difficultés liées à la disponibilité de cette dernière ont d’ailleurs amené plusieurs entreprises à développer des solutions de récolte mécanique. Compte tenu de la fragilité de ces fruits, certaines récolteuses utilisent des jets d’air propulsés à différentes vitesses et fréquences pour secouer les buissons et provoquer le détachement des fruits, qui sont ensuite recueillis sur des oreillers pneumatiques pour éviter tout dommage. Dans ce sens, certaines variétés sont développées de manière à mieux supporter la récolte mécanique. Les adaptations variétales sont en effet à l’origine du grand essor que connaissent actuellement les fruits rouges à travers le monde. Elles ont permis de développer de nouvelles alternatives à même de répondre à la demande croissante de nouveaux producteurs qui auront besoin de variétés de plus en plus particulières (sol, climat, mode de conduite) et au nécessaire renouvellement variétal des anciens acteurs de la filière.
Mais en plus du bon choix variétal, d’autres facteurs contribuent à la réussite de la culture notamment l’optimisation de certains aspects techniques. Les baies, et particulièrement les myrtilles, ont par exemple besoin d’une bonne pollinisation pour améliorer leur calibre, saveur et durée de conservation. Les producteurs doivent maitriser la pollinisation par le contrôle du nombre, de la qualité des ruches et de l’activité des abeilles sur les fleurs.
Par ailleurs, dans les conditions actuelles de changement climatique, la culture sous abri est en pleine expansion. Or, les systèmes de couverture modifient la diffusion de la lumière et ont de ce fait un impact conséquent sur les aspects physiologiques de la plante déterminant le rendement et la qualité. Quelques avancées dans les technologies de gestion de la lumière pour la culture des myrtilles dans un environnement protégé et sous des couvertures photo-sélectives et des paillis réfléchissants ont été présentées.
Les avantages de la conduite des fruits rouges en hors sol ne sont plus à démontrer. Les entreprises spécialisées en substrats de culture se sont basées sur des études approfondies des besoins des baies et des méthodes culturales, pour mettre au point une gamme de substrats adaptés. Capacité de rétention en air et en eau, stabilité dans le temps, pH acide et stable, sont les caractéristiques essentielles et indispensables d’un bon support de culture. A noter que le recyclage de l’eau de drainage permet d’économiser jusqu’à 50% de nutriments et d’eau par rapport aux systèmes hors sol ouverts. Ce qui rend ce mode de conduite bien adapté aux conditions de certaines régions qui souffrent de la rareté de l’eau comme le Souss. En effet, compte tenu du dérèglement du cycle hydrologique conséquence du changement climatique, les producteurs doivent assurer une bonne maitrise des apports hydriques au plus près des besoins des cultures, notamment grâce aux nouvelles solutions digitales qui permettent de déclencher les irrigations en se basant sur les prévisions météorologiques et les données phénologiques.
Les débats avec les intervenants pendant les séances de questions/réponses ont permis d’éclairer un bon nombre de points en relation avec les différents aspects abordés.