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Fruits rouges : une filière dynamique qui voit grand

L’offre de baies fraîches sur le marché mondial a de nouveau augmenté en 2022. Les exportations de myrtille en particulier affichent une augmentation constante qui se poursuivra dans les années à venir, tirée par l’expansion de la production dans des pays comme le Pérou, le Mexique et le Maroc. La production et les exportations mondiales de framboises et de mûres sont moins stables, mais ne montrent pas encore de signes de plafonnement. Le marché de la fraise, un peu plus mature, a été plus stable et devrait le rester dans les années à venir.

En réponde à cette demande croissante, les surfaces cultivées au Maroc n’ont cessé de s’étendre au cours des dernières années. Ainsi, lors de la campagne 2022/23, la superficie totale occupée par les différentes espèces de fruits rouges au Maroc a été estimée à 13.355 ha (contre 11.550 ha lors de la précédente campagne), réparties entre les fraises 3.800ha (+9%), les framboises 4800 ha (+20%), les myrtilles 4600ha (+18%) et autres 150ha (mures et goji).

Ces superficies sont réparties principalement entre trois grandes régions de production à savoir le Loukkos et le Gharb (75%) dans le nord du pays, et le Souss (25%) dans le sud. Les cultures de fraises sont principalement situées entre Kenitra et Larache, alors que les plantations de framboises et de myrtilles concernent les trois régions. Plus au sud, de nouvelles exploitations spécialisées dans la production de myrtilles voient le jour dans la région de Dakhla. En raison des conditions météorologiques appropriées toute l’année, la production y est nettement plus précoce et les fruits qui y sont produits sont réputés d’excellente qualité (bon calibre, Brix supérieurs à 20…). De même, les montagnes du Moyen Atlas peuvent constituer une zone importante pour la production estivale de myrtilles.

Pour rappel, de nombreux facteurs ont contribué à l’essor qu’a connue la production des fruits rouges dans notre pays en peu de temps, notamment la proximité de notre principal marché l’Europe (2e marché mondial après les USA), les conditions pédoclimatiques favorisant une production précoce et couvrant pratiquement toute l’année, la main d’œuvre qualifiée, la maitrise de la conduite technique (production, conditionnement, conservation, surgélation), les infrastructures routières portuaires et aéroportuaires, les incitations accordées par l’Etat à l’investissement et la capacité des producteurs à s’adapter rapidement à l’évolution des normes et exigences des marchés.

Aujourd’hui, l’ensemble de la filière assure pas moins de 10 millions de journées de travail entre les exploitations et les stations de conditionnement, et génère un chiffre d’affaires annuel de plus de 6 milliards de DH. Ainsi, en plus de contribuer à la création d’emplois en milieu rural, la filière induit également le développement d’activités para-agricoles dont les retombées économiques sur les régions de production sont en croissance continue. Par ailleurs, les fruits rouges ont été un véritable vecteur de promotion du travail des femmes. Dans la région du nord par exemple, elles représentent aujourd’hui pratiquement 100% de la main d’œuvre employée dans la récolte et dans les unités de conditionnement.

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Une filière tournée vers l’export

Lors de la campagne 2021/22, la superficie totale consacrée aux fruits rouges était de 11.550 ha, réparties entre les fraises 3400 ha (production de novembre à juin), les framboises 4100 ha (production toute l’année), les myrtilles 3900ha (production d’octobre à juin) et autres 150ha (mures et goji). Quant aux exportations, elles ont atteint un volume total de 214.000 tonnes, dont 90.000T de fraise, 64.135T de framboise et 57.508T de myrtille. Près de 125.000 tonnes de baies ont été exportées à l’état frais et 88.862 T en surgelé.

La part de la production exportée s’élève à 65% pour la fraise, 96% pour la framboise et 96% pour la myrtille. Ces exportations (60% en frais et 40% en surgelé) concernent plus de 54 pays sur les 5 continents, mais la principale destination reste l’Europe (90%), dont l’Angleterre (même après le Brexit), l’Allemagne, la France et l’Espagne. De manière générale, la filière baies au Maroc est une extension de la filière européenne, avec l’objectif global de répondre à la demande des marchés européens. Mais les exportateurs marocains expédient également des baies fraîches vers les marchés du Moyen-Orient, la Russie et même l’Asie. Par ailleurs, les opérateurs marocains cherchent à conquérir de nouveaux marchés, principalement la Chine et l’Inde, pour éviter la période de sur-approvisionnement qui caractérise généralement les mois de mars et avril sur le marché européen. Dans ce sens, les professionnels suggèrent l’établissement d’accords bilatéraux et la mise en place de subventions permettant le recours au transport aérien pour l’accès aux marchés lointains.

La position géographique du Maroc le favorise pour l’exportation de fruits frais vers les marchés à forte valeur ajoutée. Il faut 3-4 jours seulement de la ferme au consommateur en Europe, six jours pour la Russie. Sa position sur le globe lui donne également des avantages pour atteindre les marchés d’Amérique du Nord (États-Unis, Canada) et d’Asie (principalement la Chine) avec des produits frais et surgelés. Ces exportations ont été les plus durement touchées par la pandémie, car les expéditions de myrtilles n’ont pas pu être expédiées de l’aéroport de Casablanca vers les marchés asiatiques suite à la fermeture de l’espace aérien.

Quant au marché local, pour le moment, il n’absorbe que des quantités limitées de framboises, de myrtilles et de mûres, que les consommateurs découvrent progressivement, à l’instar d’autres fruits exotiques. Le potentiel existe, mais l’absence de chaîne de froid indispensable pour ces fruits fragiles et les habitudes du consommateur marocain familiarisé depuis longtemps à la fraise, empêchent une évolution rapide de la demande.

Afin de dynamiser la consommation, la profession et le ministère de tutelle organisent un festival entièrement dédié aux fruits rouges (voir paragraphe), mais il faudrait aller plus loin en développant le marché national et le système de distribution.

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Une offre diversifiée

Après une période où l’offre marocaine de fruits rouges était limitée à la fraise fraiche et surgelée, l’introduction de nouvelles espèces comme la framboise en 2004 et la myrtille en 2008 a donné une bouffée d’oxygène au secteur des fruits rouges. En effet, elle a permis aux producteurs de diversifier leurs offres sur le marché européen qui ne peut pas satisfaire ses besoins en fruits rouges pendant la période hivernale et une partie de la période printanière. En effet, la production de certains pays membres de l’UE n’arrive sur le marché qu’à partir de Juin-Juillet. Pendant le reste de l’année, l’approvisionnement se fait à partir de pays tiers, principalement les pays d’Amérique latine.

Le Maroc a su saisir cette opportunité et se faire une place sur le marché européen même en présence de ces pays car sa proximité de l’Europe lui confère des avantages considérables par rapport aux pays de l’Amérique latine défavorisés par les coûts exorbitants du transport et la baisse de la qualité compte tenu du long trajet par bateau. Il est aussi compétitif par rapport à l’Espagne et au Portugal. D’ailleurs les sociétés espagnoles se sont elles-mêmes implantées au Maroc pour ces mêmes raisons.

 Myrtilles : vers une production toute l’année

En 2008, une poignée de producteurs ont commencé à cultiver des myrtilles sur une quinzaine d’hectares. Pendant les premières années, la croissance annuelle a été faible mais régulière, au fur et à mesure que les producteurs locaux se sont familiarisés avec cette nouvelle espèce et ses exigences, dans la principale zone de production: Loukos et Gharb, dans le nord du pays. Cependant, depuis 2015, la croissance est exponentielle. L’augmentation de la superficie d’année en année a explosé, atteignant une croissance allant jusqu’à 900 hectares par an. Cela s’explique notamment par l’arrivée de capitaux étrangers au Maroc, qui, avec des producteurs désormais expérimentés, ont contribué à étendre la plantation au Loukos et Gharb et à créer de nouvelles zones de culture dans le Souss et à Dakhla dans le sud. 

Le Loukos et le Gharb bénéficient d’un climat méditerranéen, tandis qu’en se déplaçant vers le sud, les températures augmentent et les risques de précipitations diminuent dans les autres zones de production du Souss et de Dakhla. En général, les températures minimales atteignent entre 5 et 15°C, créant un écart de température avec le jour suffisant pour produire des fruits au bon goût.

En 2022, le Maroc a exporté près de 53.000 tonnes de myrtilles fraîches, ce qui l’a classé quatrième parmi les plus grands exportateurs de myrtilles fraîches au monde, dépassant même les États-Unis. Initialement, plus de 90% des exportations étaient destinées à l’Espagne, qui réexportait les myrtilles marocaines, rallongeant ainsi sa saison de ventes. Cependant, la part de l’Espagne dans les expéditions marocaines a chuté à 36% entre 2017 et 2022, et la plus grande partie des exportations va désormais directement aux pays consommateurs de myrtilles, principalement l’UE, ainsi que le Royaume-Uni et la Norvège.

Depuis 2017, les exportations totales de myrtilles fraîches du Maroc vers les pays du Moyen-Orient et d’Asie du Sud-Est ont été elles-aussi multipliées par 9,5 pour atteindre 1900 tonnes. En 2022, le Canada a également importé 100 tonnes de myrtilles fraiches du Maroc et 130 tonnes de baies marocaines ont été fournies au marché américain en 2021.

En ce qui concerne la campagne en cours, malheureusement, en raison des conditions météorologiques particulières qui ont conduit à un épuisement des plants, la saison des petits fruits au Maroc se termine de manière anticipée. En effet, cette campagne a été marquée par plusieurs défis en matière de production et de commercialisation. En Europe, notre principal marché, la demande a considérablement diminué en raison de l’inflation mondiale, réduisant le pouvoir d’achat des consommateurs. La Russie était également une destination intéressante pour les exportateurs marocains de myrtilles, mais en raison de l’invasion de l’Ukraine et des sanctions et du ralentissement économique qui ont suivi, il est pratiquement impossible de livrer la Russie par voie maritime et le coût élevé du fret aérien rend le prix final trop élevé pour les consommateurs russes.  Fort heureusement, le Royaume-Uni et les pays du Golf maintiennent une demande stable et des prix raisonnables.

A condition de savoir saisir les opportunités et adapter l’offre continuellement aux besoins du marché, le Maroc peut renforcer davantage son statut d’important fournisseur de myrtille toute l’année, aidé en cela par de nombreux atouts. L’extension des surfaces, la diversification des régions de production et le bon choix des variétés, permettra à la filière marocaine d’augmenter la disponibilité des myrtilles toute l’année. Les régions du sud, comme Dakhla, commencent en octobre, tandis que celles du nord commencent en janvier, culminent en mars et finissent en juillet. Des investisseurs cherchent également à créer des cultures dans les régions les plus élevées du pays qui peuvent commencer à produire en août, bouclant ainsi un cycle de production annuel. Selon les experts, dans l’avenir, la disponibilité de nouvelles variétés pourrait même permettre à Dakhla de fournir le marché entre septembre et décembre.

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Framboises : le Maroc renforce sa position

Dans la région du Loukos, à partir de 2004, des producteurs pionniers ont introduit les premières variétés de framboise à faible besoin en froid et qui fructifient dès la première année dans les conditions climatiques de la région. Cette tentative a été couronnée de succès puisque la surface est passée de 30 ha en 2005 à 4800 ha actuellement.

 Au Maroc, la production de framboise se déroule sur deux cycles. Le premier se déroule de septembre à fin janvier. Produire plus tôt (fin aout) ne serait pas intéressant du fait de la faible demande puisque le marché européen est approvisionné par la production des pays de l’union et par la production de l’Amérique latine. Quant au deuxième cycle, il se déroule de mars-avril à juin. Certains producteurs essaient même de poursuivre la production sur un troisième cycle au lieu d’arracher les plants à la fin du deuxième.

Lors de la précédente campagne, les exportations ont atteint 49.230 tonnes en frais et près de 15.000 t en surgelé. Ainsi, le Maroc continue d’accroître sa présence sur le marché de la framboise surgelée, sachant qu’il y a tout juste deux ans, ses exportations ne dépassaient pas 3.600 tonnes. Ainsi, le Maroc, qui n’était pas un acteur majeur sur le marché des framboises surgelées il y a quelques années, se rapproche rapidement de l’Ukraine, qui est la troisième après la Serbie et la Pologne, en termes de volume d’exportations. 

Les principaux volumes de framboises fraîches et surgelées sont fournis aux marchés des pays de l’UE, principalement l’Allemagne. Cependant, en 2022, la répartition des exportations s’est considérablement élargie vers les Emirats Arabes Unis, le Brésil, la Tunisie, l’Afrique du Sud, la Croatie, le Canada, le Qatar, le Bahreïn et l’Arabie Saoudite.

 Fraise: le Maroc diversifie ses exportations

La superficie cultivée en fraise est passée de 750 ha (31.000 T) en 1995 à 3.800 ha cette campagne, avec une production moyenne ces dernières années d’environ 140.000 T, répartie essentiellement entre le périmètre du Loukkos et celui du Gharb. Lors de la précédente campagne 22.300 t de fraises ont été exportées en frais (soit 17% de plus qu’en 2021) et 68.824 T en surgelé. Bien que leur volume soit inférieur à celui des fraises surgelées ou encore des framboises et myrtilles fraîches, les fraises fraîches restent l’un des principaux produits d’exportation du pays.

Tout comme les surfaces, les techniques de production ont connu une évolution remarquable au cours des deux dernières décennies qui s’est traduite par des rendements moyens à l’hectare qui sont passés de 17 à 45 tonnes. La fraise est ainsi passée d’une culture de plein champ au début, à une culture sous petits tunnels nantais, puis sous tunnels multi-chapelle selon un mode de production intensif. Les améliorations ont concerné l’ensemble de l’itinéraire technique de la plantation à la récolte.

Ce secteur pilote a même joué le rôle important de locomotive grâce au transfert des technologies vers d’autres cultures pratiquées dans la région Gharb-Loukos, notamment la pastèque, la tomate industrielle, le melon…

Le secteur de la fraise au Maroc est caractérisé par un tissu productif qui rassemble à la fois de grandes exploitations fortement intégrées et des exploitations de taille réduite appartenant généralement à des petits producteurs marocains (moins de 5 ha). Parmi ces derniers, certains produisent pour le marché local alors que d’autres ont établi des relations de partenariat avec les opérateurs structurés pour écouler leur production sur les marchés extérieurs. Ces petits producteurs nécessitent en général un encadrement technique intense pour les mettre au diapason des exigences des opérateurs exportateurs de la filière des fruits rouges.

Les deux tiers de la production sont exportés, 20% en frais de novembre à mars et 45% en surgelé d’avril à juillet. Les 35% restants sont écoulés sur le marché local. Le marché local est ravitaillé par des intermédiaires qui s’approvisionnent directement chez les agriculteurs ou parfois auprès des unités de conditionnement.

En 2017, plus des trois quarts des fraises fraîches marocaines étaient exportées uniquement vers l’Espagne, mais cinq ans plus tard, leur part a chuté à 20%. L’Espagne est l’un des principaux investisseurs de l’agro-industrie marocaine et les projets de culture de fraises au Maroc étaient à l’origine axés sur les livraisons à ce pays. Cela a permis aux exportateurs espagnols de prolonger leur saison d’exportation car le pic d’approvisionnement en fraises fraîches en Espagne se situe en mars-avril et au Maroc en janvier-février. Progressivement, les volumes précédemment fournis par le Maroc via l’Espagne ont commencé à être exportés directement et le Royaume-Uni est devenu la principale destination des fraises marocaines fraîches. En 2022, le Royaume-Uni a importé près de la moitié des exportations marocaines de fraises. Il convient de noter que le Brexit, qui compliquait autrefois considérablement les livraisons sur le marché britannique depuis les pays de l’UE, a contribué à l’émergence du Royaume-Uni en tant que leader des importations de fraises.

Une autre tendance importante dans le développement des exportations marocaines a été la forte augmentation des approvisionnements vers le Moyen-Orient au cours des dernières années (x30 entre 2017 et 2022).  Les principaux acheteurs étaient les Émirats arabes unis, le Qatar, l’Arabie saoudite, le Bahreïn, Oman et Koweït.

Plusieurs défis à relever

Face aux caprices du climat, à l’apparition de nouvelles menaces phytosanitaires, au renchérissement des intrants, aux contraintes de la conduite, à des exigences commerciales en constante mutation, à des situations socio-économiques versatiles et maintenant les crises sanitaires et conflits imprévus, les producteurs marocains de fruits rouges ne savent plus où donner de la tête.

Ainsi, malgré les prouesses réalisées par la filière marocaine, les opérateurs sont préoccupés par la conjoncture internationale difficile et les contraintes qui peuvent entraver son rythme de développement. Par ailleurs, le protectionnisme dont font preuve les opérateurs européens vis à vis de la production marocaine de fruits rouges a conduit l’association des producteurs exportateurs de fruits rouges du Maroc à rappeler le fait que plus de 80% des intrants utilisés (plants, films plastique, pesticides, emballages, logistique, fertilisants, IPM …) par les exploitations marocaines sont importés d’Europe. Dans ce sens, le business des fruits rouges doit être considéré comme un partenariat stratégique WIN WIN entre le Maroc et l’Europe, et dont tout le monde doit se retrouver gagnant qu’il s’agisse du producteur, du consommateur ou de tout autre maillon de la filière.

Les producteurs déplorent par ailleurs une hausse des couts de production à différents niveaux, réduisant leurs marges. Ainsi, les frais du transport ont considérablement augmenté suite à la hausse des prix des carburants, de même que les prix des intrants agricoles et le coût de la main d’œuvre, sachant que les fruits rouges sont des cultures nécessitent la mobilisation d’un grand nombre d’ouvriers que ce soit dans les fermes ou dans les stations de conditionnement et de surgélation. Les exploitants s’adaptent à cette situation en fournissant des moyens de transport pour faire venir des travailleurs de régions plus éloignées.

Le changement climatique devient aussi un problème croissant à cause notamment des températures fluctuantes qui affectent certaines espèces. Cette campagne, pour les fraises et les framboises, les températures étaient trop élevées en début de saison, alors que les plantes avaient besoin de froid, et trop basses lorsque les fruits avaient besoin de chaleur. D’où l’impact considérable sur les rendements moyens. Cependant, du point de vue des prix, la baisse des volumes a été relativement positive pour les producteurs. Le contraire aurait été catastrophique et les prix auraient chuté en dessous du supportable. L’autre préoccupation majeure en relation avec le climat reste l’utilisation durable de l’eau pour l’irrigation, car le manque de pluie est alarmant dans certaines régions. 

Malgré les difficultés rencontrées cette saison, les producteurs restent optimistes quant à l’avenir. Ils comptent tirer des leçons et mettre en place des mesures pour faire face aux conditions climatiques changeantes et aux fluctuations de la demande. Pour rester compétitifs, ils sont appelés à devenir de plus en plus efficaces, sur les plans de la production et de la commercialisation. La diversification des marchés et la recherche de nouvelles opportunités commerciales sont des axes de développement envisagés. De même, il faut aussi maintenir un très bon niveau de qualité qui satisfait distributeurs et consommateurs, pour ne pas nuire à l’image du produit ‘’Maroc’’.

Maitrise de la conduite

Dans le domaine des exportations des fruits rouges, les professionnels marocains sont confrontés à une rude concurrence internationale. Ils sont obligés d’être à jour dans le domaine technique pour avoir une place de choix sur des marchés de plus en plus exigeants. Ainsi, parallèlement au développement des surfaces, les techniques de production ont connu une évolution remarquable qui a concerné l’ensemble de l’itinéraire technique de la plantation à la récolte qui se sont traduites par des rendements à l’hectare et une qualité qui ont considérablement progressé. Les nouvelles techniques de production se basent désormais sur la rationalisation des facteurs de production et le respect des bonnes pratiques agricoles.

A souligner que pour des espèces comme la framboise et la myrtille, les producteurs marocains sont au même niveau technique que leurs homologues espagnols et portugais. En effet, depuis le début, ils ont beaucoup collaboré avec les obtenteurs originaux des variétés cultivées, sans passer par des intermédiaires espagnols comme c’est le cas pour la fraise. Par ailleurs, en impliquant les fournisseurs en tant que partenaires dans la production, les producteurs sont certains de pouvoir bénéficier de chaque nouvelle innovation variétale immédiatement et surtout de pouvoir maitriser les différents aspects relatifs à la conduite et la commercialisation.

Au début de leur introduction au Maroc, la myrtille et la framboise étaient cultivées essentiellement par les grandes exploitations et les investisseurs étrangers dotés des moyens financiers et logistiques nécessaires pour la production, le conditionnement et l’exportation de ces fruits particuliers, en adoptant les techniques les plus innovantes. Cependant, ces dernières années, des exploitations de taille moyenne ayant acquis une bonne expérience dans le secteur de la fraise, ont commencé à cultiver des framboises, puis des myrtilles grâce à des collaborations avec des stations de conditionnement qui leur fournissent les plants, l’encadrement nécessaire et s’occupent de la commercialisation sous leurs marques.

Les exigences évoluent en continu et pour le producteur, chaque campagne apporte son lot de nouveautés dictées par les clients, essentiellement les chaines de distribution. Les importateurs ont par exemple imposé le conditionnement des fruits rouges sur place à la ferme pour limiter les manipulations, alors qu’auparavant ces opérations étaient effectuées dans les stations de conditionnement. Les fruits rouges récoltés dans des caisses sont immédiatement placés à l’ombre dans un espace spécialement prévu à cet effet. Des ouvrières y procèdent à une sélection rigoureuse et les fruits sont mis en barquettes puis dans des cartons portant une étiquette rendant le produit parfaitement traçable. Certaines exploitations sont même équipées de petites salles d’entreposage frigorifique car le produit fini frais doit être mis au froid dans la demi-heure après sa récole. Ensuite les cartons sont expédiés à la station de conditionnent dont le rôle se limite actuellement à l’entreposage et le chargement dans les camions frigorifiques qui vont les livrer en Europe. Cette manière de faire permet de fournir des fruits de meilleure qualité qui se conservent plus longtemps.

Par ailleurs, en plus des analyses qui se font sur place à la réception de la marchandise en Europe, certains clients envoient à l’improviste leurs propres agents pour procéder au prélèvement d’échantillons de fruits pour analyses (résidus de pesticides, …). A noter que les opérateurs marocains font preuve d’un grand respect des délais avant récolte et des LMR. D’ailleurs aucune alerte RASFF n’a été émise depuis 5 ans.

Sur le plan phytosanitaire on constate chez les producteurs l’utilisation de plus en plus fréquente de biopesticides dans les programmes de protection des fruits rouges, en complément des pesticides chimiques. A certaines périodes, les récoltes sont quotidiennes et se font même deux fois par jour (voire 3 fois à Agadir) ce qui fait que les traitements moyennant des pesticides conventionnels s’avèrent impossibles vu leur DAR dépassant 2-3 jours. Le recours aux agents de Biopesticides permet de dépasser cette contrainte puisqu’on peut récolter immédiatement et sans délai après leur application.

Soulignons également le dynamisme particulier des producteurs marocains en matière de certification et de mise à niveau dans le domaine de la traçabilité. La quasi-totalité des exploitations agricoles sont certifiées, de même que la majorité des stations de conditionnement et unités de surgélation pour répondre aux exigences des clients et aux normes techniques des marchés européens et américains, notamment en matière de contrôle des résidus des produits phytosanitaires, de protection de l’environnement et de traçabilité pour chaque barquette exportée.

Les certifications sont de plus en plus exigeantes aussi bien sur le plan de la production et du conditionnement (Global Gap, BRC, FDA, TESCO…) que sur les aspects sociaux (GRASP, SMETA). Les agriculteurs doivent s’engager pleinement auprès des clients en respectant les normes et les certifications allant même jusqu’à les anticiper, vu l’importance de l’aspect qualité. Cependant, les normes de certification imposent une lourde charge de paperasses nécessitant un comptable, un gérant, un chef d’équipe … pour remplir les listes de produits utilisés au quotidien entre autres.

La filière voit grand

A l’horizon 2030, la filière marocaine des fruits rouges ambitionne d’atteindre :

– Fraise : 4000-5000 ha et plus de 180.000 t à l’export

– Framboise : 5000-6000ha et plus de 75.000 t export

– Myrtille : 5000-6000ha et plus de 100.000t export

Pour ces trois espèces, et si les objectifs sont atteints, le volume export dépassera 350.000 tonnes.

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