Courgette Noire : Une campagne pleine de défis !

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La campagne de primeurs de courgettes noires au Maroc a été marquée par de nombreux défis. Des conditions météorologiques imprévisibles, des problèmes phytosanitaires et des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement ont complexifié le travail des exportateurs. Malgré ces obstacles, certains producteurs ont réussi à maintenir une qualité constante et une offre diversifiée, assurant ainsi la compétitivité sur les marchés internationaux. La saison a également été influencée par les dynamiques de la production en Espagne, exacerbant les défis pour les agriculteurs marocains.

Primeurs : une campagne mitigée

Les exportateurs marocains qualifient la campagne de primeurs qui vient de s’achever de très mouvementée. En effet, ils ont dû faire face à des conditions météorologiques fluctuantes, à des problèmes phytosanitaires dans les exploitations, aux grèves des agriculteurs européens, qui ont entraîné des blocages et des retards dans la chaîne d’approvisionnement, ainsi qu’à des fluctuations de prix sur le marché.

Certains producteurs marocains s’en sortent mieux que d’autres, grâce à leur capacité à s’adapter aux conditions changeantes du marché, en particulier ceux qui ont pu maintenir une qualité constante, des prix compétitifs et une offre diversifiée.

Les volumes d’exportation ont varié selon les produits, avec une augmentation des ventes de tomates et de courgettes, tandis que les ventes de poivrons, de haricots et d’aubergines sont restées stables par rapport à la saison précédente. Bien que les prix aient beaucoup fluctué, en raison de l’offre et de la demande sur le marché européen, la demande pour les tomates et les courgettes est restée soutenue, avec une préférence pour les produits de qualité à des prix compétitifs. En revanche, les producteurs de haricots verts plats ont connu une année particulièrement difficile, et certains d’entre eux ont même subi des pertes car le prix de vente a stagné à un niveau bas pendant une longue période de l’année, alors que la production a coûté plus cher.

La saison est encore plus difficile pour les fruits d’été, en particulier les melons et les pastèques. Un exportateur précise que les exportations de pastèques du Maroc ont fortement chuté cette année et une part importante de la production a été vendue sur le marché local. La sécheresse prolongée a entraîné une réduction de la quantité d’eau disponible pour l’irrigation, ce qui a eu un impact sur la qualité et les volumes de production. En outre, de fortes infestations de parasites, en particulier sur les pastèques, ont nécessité des traitements supplémentaires.

Selon un exportateur, malgré les difficultés climatiques et logistiques rencontrées au cours de la saison actuelle, la demande soutenue et la qualité des produits marocains ont permis de maintenir une performance globale positive, à l’exception de quelques produits. Les prix sont restés compétitifs malgré les pressions extérieures auxquelles les producteurs ont dû faire face, et certains marchés européens ont montré un fort appétit pour les produits marocains.

Déroulement de la campagne courgette

Une diminution de 15% de la superficie a été enregistrée par rapport à l’an dernier à cause des mauvais résultats des deux dernières saisons. Cette diminution concerne surtout le créneau tardif. Ainsi, au total, ce sont 1900 hectares qui ont été alloués à la culture de la courgette noire lors de la saison 2023/24, dont 75% en plein champ et 25% sous abri-serre. La campagne a été marquée par plusieurs défis majeurs. D’abord, sur le plan sanitaire, les températures élevées ont favorisé la propagation de plusieurs virus comme le New Delhi, le PRSV, le MWMV et le CABYV, provoquant des dégâts significatifs. Certaines cultures précoces ont été complètement virosées, entraînant de nombreux arrachages. Ensuite, le manque de froid durant l’hiver et les températures clémentes qui ont marqué les mois de janvier et février ont entraîné une forte productivité des cultures et une chute des prix.

Par ailleurs, les exportations de la courgette marocaine sont intimement liées au déroulement de la campagne en Espagne. Ainsi, la bonne saison chez notre voisin ibérique, favorisée par des conditions climatiques favorables, a eu des répercussions directes sur le marché marocain, avec un écoulement difficile de la production et une baisse des prix. À noter que pour prévenir le virus New Delhi, 85% de la production espagnole se fait désormais sous serre.

La prolongation des températures chaudes jusqu’à fin novembre a été un autre défi notable de cette campagne. Elle a obligé les agriculteurs de plein champ à reporter plusieurs fois leurs semis par crainte de propagation des insectes vecteurs de maladies virales tels que les mouches blanches et les pucerons. Traditionnellement, les semis débutent en septembre-octobre pour le plein champ et à partir d’octobre pour les cultures sous serre. Cependant, depuis l’apparition du virus New Delhi au Maroc, lors de la saison 2016/17, les producteurs ont commencé à ajuster leurs calendriers pour éviter les périodes à risque. Ils avancent maintenant les semis sous serre à début septembre et retardent au maximum ceux de plein champ pour minimiser les risques associés à ce virus.

Aujourd’hui, la tendance est nettement orientée vers la culture de la courgette sous serre. Cette transition est largement motivée par la gravité des infections virales, en particulier le virus New Delhi, incitant les agriculteurs à privilégier un mode de culture mieux protégé et plus productif par rapport au plein champ, plus exposé aux attaques virales, surtout par temps doux. Néanmoins, selon un expert du secteur, cette orientation reste temporaire en attendant l’introduction de variétés plus résistantes et mieux adaptées aux conditions spécifiques du Maroc.

Les prix ont atteint leur pic de mi-novembre à mi-décembre, en raison d’une offre limitée provoquée par le retard des semis de plein champ. Cependant, vers fin janvier et début février, les prix ont considérablement chuté, ce qui a conduit à l’arrêt des cultures. Cette baisse s’explique par les concentrations de la production provenant essentiellement du plein champ, résultant du retard des semis, combiné à des conditions météorologiques particulièrement clémentes pendant l’hiver. Parallèlement, en Espagne, les producteurs ont pu prolonger le cycle de culture grâce à l’utilisation de variétés résistantes au virus New Delhi. De l’avis des professionnels interrogés, l’Espagne tire profit de son avance dans le développement et l’utilisation de variétés résistantes, qui sont significativement plus coûteuses (entre 2600 et 3200 Dh pour 1000 graines) que les variétés conventionnelles (entre 850 et 1400 Dh).

Couvrir pour mieux protéger

Les agriculteurs qui ont les moyens migrent vers les cultures sous serres en attendant l’introduction de variétés hautement résistantes au virus New Delhi, tout en assurant haut rendement et qualité irréprochable. Actuellement, jusqu’à 25% de la production de courgettes est réalisée sous serre. La culture sous serre présente plusieurs avantages significatifs : elle permet une longévité accrue des plants, pouvant aller jusqu’à 5 mois de récolte, assurant ainsi un tonnage élevé et une marge stable par rapport aux cultures de plein champ. Le cycle prolongé permet ainsi d’atteindre un tonnage jusqu’à six fois supérieur à celui obtenu en plein champ, où le cycle ne dure qu’un mois et demi. De même, la longueur du cycle permet à la production de coïncider avec les périodes de prix favorables sur le marché.

Le palissage des plants sous serre assure un port dressé avec un apex bien exposé à la lumière, ce qui favorise le bon déroulement des différents stades, tels que la nouaison, ainsi que la vigueur des plantes. L’hormonage est une pratique obligatoire réalisée tous les deux jours en culture sous abri, tandis qu’en plein champ, il est effectué une fois par semaine. Il est également essentiel d’appliquer des traitements préventifs réguliers contre les pucerons, les thrips et les mouches, principaux vecteurs de virus. Pour les cultures en serre, les spécialistes recommandent d’adopter les mêmes pratiques de gestion des insectes que pour la tomate.

Pour les producteurs qui n’ont d’autre choix que de continuer à produire en plein champ, le succès de la culture repose principalement sur la bonne protection des plants jusqu’à la floraison en utilisant un voile P17, qui laisse passer 85% de la lumière et est totalement perméable à l’eau. Il est crucial de s’assurer que le voile soit suffisamment large pour être bien enfoncé de chaque côté afin de protéger efficacement les cultures. Il est également essentiel de surveiller de près la présence de la mouche blanche et du puceron, principaux vecteurs de virus, et d’appliquer régulièrement des traitements préventifs appropriés. Avant d’installer le voile P17, il est recommandé de traiter les cultures avec des produits systémiques efficaces, et après la floraison, il est conseillé de découvrir les plants et d’appliquer l’hormonage selon les besoins.

Par ailleurs, il est recommandé de faire les bons choix du terrain en prenant en compte les cultures précédentes, l’isolement de la parcelle, le désherbage des abords et l’élimination des déchets de culture précédents.

Rôle de la sélection et de l’amélioration variétale

Pour les semenciers, qui sont au tout début de la chaîne agricole, il est primordial d’être attentifs aux évolutions et de suivre de près les tendances des marchés pour comprendre les besoins actuels et même anticiper les demandes futures. En effet, ils travaillent dans un secteur d’activité en évolution constante et sont confrontés à des changements rapides, à la fois liés à l’environnement naturel comme le climat, les ressources, les pressions virales et parasitaires croissantes ; mais aussi liés au marché, à l’environnement social et aux modes de vie. Autant de défis auxquels ils tâchent d’apporter des solutions par la création variétale qui doit aujourd’hui répondre à différentes attentes :

Pour les producteurs

Les producteurs de courgettes font face à de nombreux défis, notamment les conditions climatiques extrêmes, la pression des ravageurs et les contraintes de main-d’œuvre. La sélection et l’amélioration variétale permettent de développer des variétés adaptées à ces conditions. Par exemple, les maisons grainières travaillent constamment à améliorer la résistance des courgettes aux maladies courantes comme l’oïdium et les virus. Des variétés à croissance rapide et à haut rendement sont également sélectionnées pour maximiser la productivité et réduire les coûts de production.

Pour les consommateurs

Les marchés internationaux imposent des normes strictes en matière de qualité des produits. Les courgettes doivent répondre à des critères précis en termes de taille, de couleur, de fermeté et de goût. Les consommateurs d’aujourd’hui sont de plus en plus soucieux de la fraîcheur, de la qualité nutritionnelle et de la sécurité alimentaire des produits qu’ils achètent. Les programmes de sélection variétale se concentrent sur le développement de courgettes avec une meilleure teneur en nutriments et une saveur améliorée. De plus, les pratiques de culture durable et les méthodes de production biologiques sont encouragées pour répondre aux attentes des consommateurs en matière de produits sains et écologiques.

Pour les distributeurs

Les distributeurs exigent des variétés de courgettes qui peuvent résister aux rigueurs du transport et du stockage tout en maintenant leur fraîcheur et leur apparence attrayante. Les améliorations variétales incluent le développement de courgettes à peau plus épaisse et à chair ferme, ce qui réduit les dommages pendant le transport et prolonge la durée de conservation. Cela permet de réduire les pertes et d’assurer une disponibilité constante des produits sur les étals des supermarchés.

Combiner toutes ces qualités dans une seule et même variété est un challenge, mais les nouvelles technologies sont là pour aider. Les outils de biologie moléculaire permettent aux semenciers d’avancer et de réagir rapidement en assurant un flux de variétés possédant des caractéristiques génétiques uniques. Toutes les nouvelles variétés sont testées au champ, afin d’évaluer leur niveau de résistance en conditions réelles et sous forte pression maladie par exemple. Ce mariage entre technologie de pointe et évaluation de terrain est essentiel. C’est la clé de voûte de tout bon programme de sélection, un atout majeur pour proposer des produits uniques aux producteurs.

À noter que le développement variétal s’appuie également sur l’expérience et la créativité des équipes de terrain et des stations expérimentales dans différentes régions du monde, et qui assurent la découverte et l’évaluation des innovations. Cela permet de valider l’intérêt agronomique des nouveaux hybrides sous différentes conditions climatiques et culturales. De plus, les nouvelles technologies améliorent la qualité des mesures prises au champ et donc fiabilisent le processus de sélection.

Un grand travail de recherche et de développement est également entrepris pour adapter les variétés de courgette aux contraintes climatiques. L’impact du réchauffement climatique sur cette culture se traduit notamment par une pression maladies plus élevée. Les sélectionneurs en courgette travaillent en priorité sur les résistances des variétés pour permettre aux producteurs de faire face aux contraintes environnementales et climatiques.

Par ailleurs, l’amélioration de la structure des plantes de courgettes joue un rôle crucial dans la réduction de la main-d’œuvre, un défi majeur pour les producteurs. Choisir des variétés avec une structure optimisée et un calendrier de récolte adéquat est essentiel. Les recherches indiquent que l’amélioration de la forme des plantes favorise un meilleur environnement de travail. Comme les fruits mûrissent sous l’effet de la chaleur, des récoltes fréquentes et régulières sont nécessaires pour minimiser les pertes. Les études montrent que les ouvriers agricoles passent 20 à 30 % moins de temps à récolter des plantes uniformes. Les variétés les plus droites et à croissance régulière facilitent la tâche des travailleurs lors de la cueillette.

Les coûts de main-d’œuvre peuvent représenter jusqu’à 60 % du coût total de production, un facteur clé pour la rentabilité de la culture. En diminuant le temps de récolte, il est possible de réduire les coûts de production et d’augmenter les revenus des producteurs.

Importance des résistances

La résistance aux maladies et aux ravageurs constitue un axe majeur des recherches menées par les maisons semencières. En plus d’être très productives et précoces, avec une bonne conservation et une excellente qualité de fruit, les nouvelles variétés doivent renforcer leur résistance, notamment contre les virus transmis par les pucerons, devenus résistants aux traitements chimiques. Une variété efficace doit également posséder des résistances ou des tolérances à l’oïdium, dont le risque est élevé à partir du début de l’été. La gestion de cette maladie est complexe, car les récoltes quotidiennes empêchent l’utilisation de fongicides avec un délai avant récolte (DAR) supérieur à trois jours.

Il est cependant crucial pour les producteurs de comprendre que l’utilisation de variétés résistantes ne remplace pas une protection phytosanitaire rigoureuse. Les innovations génétiques, en pérennisant les moyens de lutte, contribuent à une agriculture plus durable, essentielle pour répondre aux défis de demain et particulièrement pertinente en agriculture biologique.

Les résistances génétiques présentent non seulement un grand intérêt pour les producteurs de courgettes, mais offrent aussi des avantages significatifs pour tous les partenaires de la chaîne des produits frais. En effet, un approvisionnement plus stable, de meilleure qualité et plus durable peut améliorer les ventes à différents stades de la chaîne de distribution.

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