Défis de la gestion de la mouche blanche

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La culture de la tomate est souvent confrontée à divers ravageurs, parmi lesquels la mouche blanche se distingue par sa forte nuisance et sa capacité à développer des résistances aux traitements. Pour gérer efficacement ce ravageur, il est essentiel de combiner des stratégies préventives, biologiques et chimiques. La surveillance régulière et l’intégration de méthodes variées permettent de contrôler les populations de manière durable tout en minimisant l’impact sur l’environnement et la santé humaine.

L’aleurode des serres adulte est un petit insecte de couleur blanche en raison d’une couche de cire poudreuse. Elle se trouve généralement sur la face inférieure des feuilles, en particulier les jeunes feuilles où les œufs jaunes sont pondus à la verticale. Le premier stade mobile, ou stade rampant, éclot de l’œuf et se pose sur la feuille, où il se développe en trois stades nymphaux immobiles, semi-transparents et en forme d’écailles, dont le dernier est jaunâtre avec des yeux rouges. Au fur et à mesure que la plante grandit, les feuilles portant des stades nymphaux successifs ont tendance à se trouver plus bas sur la plante. Le développement de l’œuf à l’adulte peut être aussi court que deux semaines par temps chaud.

Les aleurodes se nourrissent en suçant la sève des feuilles, ce qui affaiblit la plante. Cette action favorise la croissance de moisissures noires sur le miellat excrété, provoque une maturation irrégulière des tomates et transmet des agents pathogènes viraux. Le plus redoutable de ces agents est le virus de la feuille jaune en cuillère de la tomate (TYLCV). Ce virus peut être contracté par l’aleurode à l’état de nymphe ou d’adulte et est conservé toute sa vie. Le TYLCV est courant dans les régions de production et provoque un retard de croissance sévère, un raccourcissement des entre-nœuds, une chlorose internervaire, des feuilles recourbées vers le haut et l’abscission des fleurs. La nouaison s’arrête une fois qu’une plante est infectée, et une infection précoce peut entraîner un rendement faible ou nul. Par conséquent, la protection des jeunes cultures contre les attaques des aleurodes est une priorité. Ajoutons que les larves étant quasiment immobiles, ce sont essentiellement les adultes qui assurent la dissémination du TYLCV. De plus, les femelles semblent être des vecteurs plus efficaces que les mâles.

Construire une bonne stratégie de lutte

Pour aspirer à une gestion satisfaisante de la mouche blanche, il est nécessaire de la réaliser de manière intégrée, car aucune pratique de contrôle seule n’est suffisante pour obtenir un contrôle efficace. Naturellement, toutes les tactiques ont leur importance et contribuent, à divers degrés, à la gestion du ravageur. Voici un aperçu des mesures qui doivent être sélectionnées, combinées et exécutées en fonction de la situation particulière de chaque exploitation. Dans certains pays, des mesures sont prises à l’échelle régionale pour plus d’efficacité.

Choix variétal

L’une des formes de contrôle cultural consiste à utiliser des cultivars tolérants au TYLCV qui ne présentent que peu ou pas de symptômes de la maladie. Les sources génétiques de résistance sont de plus en plus nombreuses. À noter que le choix de variétés tolérantes permet de minimiser les chances d’expression du virus, mais il n’inhibe pas sa propagation.

Application d’insecticides systémiques aux plantules

Environ cinq jours avant que les plantules ne quittent la pépinière pour être transplantées définitivement en serre, des experts recommandent de les traiter avec des insecticides systémiques pour les protéger contre les premières populations adultes de mouches blanches. Si les populations adultes de mouches blanches sont élevées au moment de la transplantation, ce qui peut être vérifié par des bandes jaunes ou des pièges à impact, un insecticide systémique peut être appliqué en injection directe à la base des plants.

Surveillance et monitoring

L’utilisation de pièges jaunes collants dès l’introduction des plants permet de détecter et surveiller l’évolution des populations de mouches blanches. De même, l’inspection visuelle régulière des plants permet de détecter les premiers signes d’infestation et de prendre des mesures rapides avant que les populations n’explosent. Par exemple, inspecter les plants à l’aide d’une loupe à main permet de détecter les premières larves visibles. Ceci sera la base du choix de l’utilisation d’un larvicide. Il est recommandé d’insister sur les lignes de bordure et sur les feuilles basales, c’est là où on peut facilement trouver des pupes et des larves. L’observation des œufs reste difficile, mais la présence d’adultes sur les feuilles du tiers supérieur laisse supposer que les femelles ont déjà commencé la ponte.

Méthodes complémentaires de protection  :

  • La bonne gestion commence par la rotation des cultures.
  • Si possible, éviter d’installer de nouvelles plantations à proximité d’anciennes cultures infestées, en particulier de tomates, mais aussi d’autres sources d’aleurodes telles que les cucurbitacées ou des sources possibles de TYLCV comme le poivron ou les haricots.
  • Commander les plants auprès d’une pépinière professionnelle.
  • Contrôler la qualité sanitaire des plants avant et durant leur introduction dans l’abri.
  • Installer des toiles insect-proof, y compris aux ouvertures des abris, pour réduire les infestations initiales.
  • Désherber la serre et ses abords, car certaines adventices ont été identifiées comme d’importants réservoirs du virus TYLCV.
  • Pendant le premier mois après l’établissement de la culture, l’inspection, la détection et l’élimination, au moins une fois par semaine, des plantes présentant des symptômes de virus aident à freiner la propagation de la maladie dans la culture. Les plantes éliminées doivent être disposées correctement ; elles doivent être recueillies et enterrées, de préférence loin des parcelles agricoles.
  • Éliminer les tomates de rebut le plus loin possible des champs de production.
  • Si les fruits sont déposés dans les pâturages, il faut les étaler plutôt que les jeter en tas pour encourager la consommation par le bétail. Il faut ensuite surveiller les champs pour voir si les plants de tomates germent, ce qui doit être contrôlé par la tonte ou avec des herbicides.
  • En fin de culture, les plantes malades seront éliminées rapidement et non pas laissées sur place comme on peut le voir dans certaines serres. Cette mesure évitera que les aleurodes vecteurs ne s’y multiplient et représentent un danger pour les pépinières ou les cultures à venir.
  • Il sera aussi judicieux de réaliser un vide sanitaire de quelques semaines sous abri. Si le producteur ne dispose pas de ce laps de temps, l’arrachage des tomates sera précédé de traitements insecticides afin de réduire les populations de ravageurs.

Lutte biologique

Pendant les premières étapes de développement des cultures, il est très important d’essayer d’augmenter et de maintenir les populations d’organismes bénéfiques. L’utilisation de ces entomophages de la mouche blanche doit se faire en évitant au maximum les pulvérisations inutiles de produits agrochimiques en général et surtout des insecticides à large spectre, tout en fournissant aux ennemis naturels des conditions favorables qui les attirent et les retiennent. Ceci permet d’éviter l’installation d’un déséquilibre entre la population d’auxiliaires et la population d’aleurodes au bénéfice de cette dernière.

Les producteurs s’orientent également vers l’usage de produits naturels ou d’agents biologiques qui ciblent spécifiquement le ravageur sans pour autant être nuisibles aux organismes bénéfiques ou utiles. Ces produits, si possible, doivent être appliqués en fin d’après-midi ou tôt le matin. Il est recommandé d’utiliser des marques commerciales d’insecticides formulés avec des souches adaptées aux conditions spécifiques de la région. Les chercheurs explorent continuellement l’efficacité des extraits de plantes et des huiles essentielles comme alternatives aux insecticides traditionnels, offrant des options supplémentaires aux maraichers.

Lutte chimique

Les mesures de surveillance basées sur les pièges jaunes et la surveillance permettent de positionner les applications de manière optimale pour réduire les populations avant qu’elles ne deviennent incontrôlables. Le nombre d’insecticides disponibles évoluant en permanence, il est conseillé de toujours confirmer le choix en consultant l’index phytosanitaire sur le site de l’ONSSA, qui est un catalogue en ligne des produits phytopharmaceutiques et de leurs usages. Cette remarque est également valable pour tous les produits biologiques à base de micro-organismes ou de substances naturelles. Pour éviter le développement de résistances, il est crucial de pratiquer la rotation des insecticides en utilisant des produits appartenant à des familles différentes et dotés de modes d’action différents. Cela limite la sélection de populations résistantes et maintient l’efficacité des traitements.

Pour être efficaces, les produits de contact nécessitent une couverture totale touchant les endroits préférés par l’insecte (face inférieure des feuilles du bas), d’où l’importance du choix du matériel d’application et de son bon réglage. Un insecticide avec un bon pouvoir systémique est distribué d’une manière régulière à travers toute la plante. Par conséquent, il sera ingéré par la mouche blanche se nourrissant de la sève des feuilles, qu’elles se trouvent sur la strate haute ou basse. Les producteurs doivent souvent gérer simultanément plusieurs ennemis, tels que les tétranyques, les mineuses, les noctuelles, les pucerons et les thrips. Une approche globale de gestion des ravageurs est ainsi nécessaire pour coordonner les différentes méthodes de lutte et garantir une protection efficace des cultures.

Facteurs favorisant la résistance

Plusieurs facteurs ont favorisé, au fil des campagnes, l’apparition de populations résistantes, notamment :

– L’utilisation abondante d’insecticides (pression de sélection).

– Certains insecticides modernes sont des molécules organiques, qui, avec un petit changement de structure, une fois à l’intérieur de l’insecte, perdent leur pouvoir toxique, bien qu’il y en ait certains avec lesquels il se produit l’inverse.

– Les insecticides organo-synthétiques ont un seul site d’action (contrairement aux insecticides biorationnels, tels que les botaniques et les biologiques).

Le Comité d’Action de la Résistance aux Insecticides (IRAC, www.irac-online.org) propose une intéressante méthode pour la Gestion Efficace de la Résistance aux Insecticides (MRI) des insectes, basée sur le Mode d’Action (MoA) des insecticides. C’est un guide rapide et pratique pour la sélection d’insecticides ou d’acaricides dans un programme de gestion intégrée des parasites (MIP).

Cette stratégie consiste en l’alternance ou la séquence (rotation) de composés de différents modes d’action (MoA) dans des fenêtres ou des blocs d’applications (périodes de temps), définis par l’état de développement de la culture et la biologie du ravageur concerné.

Cette stratégie garantit que la sélection de composés dans le même groupe de MoA soit réduite. Il est important de ne pas alterner les insecticides de sous-groupes étroitement liés et, encore moins, d’utiliser un insecticide du même sous-groupe plus d’une fois pour la même génération du ravageur. L’utilisation de mélanges d’insecticides n’est pas recommandée, sauf si elle est justifiée, comme lorsque le contrôle de deux ou plusieurs espèces de ravageurs est nécessaire. En tout cas, les mélanges doivent être effectués avec des insecticides de sous-groupes différents, lorsque ce sont des composés qui, en les combinant, augmentent la toxicité, ou lorsqu’il s’agit d’insecticides qui se complètent en attaquant différents stades de développement ou diverses parties de l’organisme de l’insecte, etc.

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