La culture des myrtilles connaît une expansion significative dans le monde entier, portée par une demande croissante pour ce fruit aux multiples bienfaits pour la santé. Face aux défis agronomiques que représente cette culture exigeante, notamment en termes de qualité de sol et d’acidité, la technique de culture en pots s’impose progressivement comme une solution innovante et efficace. C’est dans ce contexte que s’est tenue la Conférence européenne sur la culture des myrtilles en pots le 12 mars 2025 à Milan. L’événement a attiré plus d’une centaine de participants, principalement des producteurs italiens et européens, mais également des représentants de pays du bassin méditerranéen, dont plusieurs du Maghreb.
La culture des myrtilles en pots présente de nombreux avantages, notamment la possibilité de s’affranchir des contraintes liées au sol, un meilleur contrôle de l’acidité du substrat et une optimisation de l’utilisation de l’eau. Ces aspects sont particulièrement pertinents pour les régions méditerranéennes et nord-africaines, où les conditions pédologiques sont souvent peu favorables à la culture traditionnelle des myrtilles.
L’orateur principal de cette conférence était Sebastian Ochoa, agronome et consultant chilien de renommée mondiale, qui supervise actuellement environ 16 000 hectares de myrtilles dans les principales zones de production mondiales. Son expertise exceptionnelle, acquise sur quatre continents, a fait de ses présentations le point central de cet événement. Sebastian Ochoa a donné quatre présentations complémentaires couvrant l’ensemble des aspects de la culture des myrtilles en pots :
1. Situation mondiale et meilleures pratiques pour une production de myrtilles de classe mondiale
Sebastian Ochoa a commencé par présenter le contexte global de la culture des myrtilles, en soulignant l’augmentation constante de la demande mondiale due aux propriétés nutritionnelles exceptionnelles de ce fruit. Il a détaillé les composés bioactifs présents dans les myrtilles (anthocyanidines, composés phénoliques) et leurs effets bénéfiques sur la santé, notamment pour la vision et les fonctions cognitives.
Il a rappelé que les myrtilles sont considérées comme un “superfood” en raison de leur haute teneur en antioxydants, en fibres et en vitamines (A, C et groupe B), ainsi qu’en manganèse. Des études scientifiques ont démontré leurs bénéfices cognitifs pour les enfants d’âge préscolaire et scolaire, ainsi que leur capacité à améliorer la vision nocturne et à réduire la fatigue oculaire.
Sebastian Ochoa a même évoqué des archives historiques mentionnant la recommandation de consommation de myrtilles aux pilotes de la RAF pendant la Seconde Guerre mondiale pour améliorer leur vision nocturne.
La surface mondiale dédiée aux myrtilles, incluant les variétés sauvages et cultivées, est estimée à environ 400 000 hectares. Parmi celles-ci, les myrtilles sauvages, qui représentent 40 % de cette superficie, sont principalement destinées à l’agro-industrie, souvent sous forme congelée. Concernant les myrtilles cultivées, elles occupent environ 250 000 hectares et sont majoritairement vendues fraîches. Dans l’hémisphère Nord, la récolte s’étend d’avril à octobre, atteignant son apogée de mi-juin à mi-août. Ces fruits sont appréciés tant à l’état frais que transformé.
Il a ensuite dressé un panorama des principales régions productrices mondiales, analysant les tendances de production et de consommation. Un accent particulier a été mis sur l’évolution des techniques de culture, avec une transition progressive vers des systèmes hors-sol et en pots qui permettent de s’affranchir des contraintes liées au sol.
2. Substrats pour la culture des myrtilles en pots
Cette présentation technique a détaillé l’évolution des substrats utilisés pour la culture des myrtilles en pots. Sebastian Ochoa a expliqué comment les premiers substrats, composés de mélanges de différents matériaux et sols, présentaient des problèmes de fragmentation en particules fines, réduisant la porosité et l’aération, particulièrement au fond des conteneurs. Cette fragmentation limitait le volume utilisable du substrat et réduisait sa durée de vie.
Face à cette situation, l’industrie s’est tournée vers l’utilisation de fibres plus longues, mais cette approche a ensuite posé des problèmes de rétention d’eau insuffisante et de formation de “boules compactes” limitant la diffusion homogène de l’eau. Sebastian Ochoa a illustré ce phénomène avec des exemples concrets, montrant comment un substrat à base de fibres longues de coco (hydrophobes) nécessite jusqu’à huit impulsions d’irrigation par jour pour maintenir l’humidité nécessaire à la plante, contre une seule dans un substrat à bonne rétention d’humidité.
La solution optimale présentée est l’utilisation de substrats à base de grains grossiers de coco (0,5-3 mm) avec un très faible pourcentage de poussière fine et de fibres longues. Ce type de substrat offre une capacité d’échange cationique élevée, essentielle pour la nutrition des myrtilles.
3. Conseils de culture et sélection variétale
Sebastian Ochoa a présenté une analyse détaillée des variétés de myrtilles les mieux adaptées à la culture en pots, en distinguant les variétés à faible besoin en froid (particulièrement adaptées aux climats méditerranéens et nord-africains) des variétés plus traditionnelles.
Pour chaque groupe variétal, il a détaillé les exigences spécifiques en termes de substrat, d’irrigation et de nutrition, ainsi que les calendriers de production optimaux pour différentes régions climatiques. Il a insisté sur l’importance de choisir des variétés adaptées non seulement aux conditions climatiques locales, mais également aux exigences du marché visé.
Des recommandations spécifiques ont été formulées pour les producteurs des régions nord-africaines, tenant compte des conditions climatiques particulières (températures élevées, faible humidité) et des contraintes liées à la qualité de l’eau d’irrigation.
4. Utilisations pratiques des extraits d’algues
Cette présentation a mis en lumière les avantages des biostimulants à base d’algues dans la culture des myrtilles en pots. Sebastian Ochoa a présenté des résultats d’essais montrant comment ces extraits peuvent améliorer la croissance végétative, la floraison et la fructification.
Un accent particulier a été mis sur les bénéfices de ces extraits pour les cultures en conditions de stress (chaleur, salinité), particulièrement pertinents pour les régions méditerranéennes et nord-africaines. Sebastian Ochoa a présenté des études de cas montrant comment l’utilisation d’extraits d’algues a permis d’atténuer les effets négatifs du stress thermique sur la production de myrtilles dans plusieurs régions du monde.
Ces présentations, avec leur approche à la fois théorique et pratique, illustrée par de nombreux exemples concrets, ont fourni aux participants des outils précieux pour développer ou améliorer leur production de myrtilles en pots.
Outre Sebastian Ochoa, d’autres intervenants spécialisés ont présenté leurs solutions et innovations : Variétés de myrtilles, substrats et pots idéaux pour la production de myrtilles, Irrigation de précision, solutions photovoltaïques pour les baies, fertilisation, biostimulants et récolte des myrtilles, etc. M. Thomas Drahorad, de la société Italianberry, a assuré la modération des débats, garantissant ainsi une articulation cohérente entre les différentes interventions et facilitant les échanges avec le public.
Les informations partagées lors de cette conférence revêtent une pertinence particulière pour les producteurs du Maroc intéressés par le développement de la culture des myrtilles. En effet, les conditions pédologiques de nombreuses régions d’Afrique du Nord, caractérisées par des sols souvent calcaires et peu acides, constituent un défi majeur pour la culture traditionnelle des myrtilles.
La technique de culture en pots, en s’affranchissant des contraintes liées au sol, ouvre des perspectives prometteuses pour l’implantation de cette culture à haute valeur ajoutée dans ces régions. De plus, l’optimisation de l’utilisation de l’eau, un aspect central de cette technique, répond directement aux préoccupations des producteurs maghrébins confrontés à la raréfaction de cette ressource.
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