Oléiculture en zones arides et semi-arides
Les bonnes pratiques
Dr. Béchir BEN ROUINA, Institut de l’Olivier Sfax, Tunisie.
Sous des climats méditerranéens à dominantes semi-aride et aride, caractérisés par une insuffisance chronique des précipitations, des saisons pluvieuses courtes et des sécheresses fréquentes et où l’eau est le facteur limitant de l’extension de la culture, la nature du sol, la conduite des plantations et leur entretien sont déterminants pour le développement des arbres. En effet, les différents travaux réalisés en milieu aride sur les relations sol-eau-plante chez l’olivier, confirment que les phénomènes de croissance (végétation et racines) et de fructification sont doublement tributaires du sol et du climat.
Si dans le passé les systèmes de production basés sur les faibles densités de plantation pouvaient assurer un bénéfice aux exploitants, cette situation n’est plus possible actuellement, puisque les charges de production ont fortement évolué, alors que les prix de vente de la production n’ont pas suivi le même rythme. Ainsi, la filière oléicole ne peut être compétitive qu’à travers l’amélioration des rendements par unité de surface. Cette amélioration passe inéluctablement par un entretien adéquat des plantations et une conduite exemplaire moyennant une intensification raisonnée des plantations en pluvial (Bour) et le choix de variétés à la fois performantes et adaptées aux milieux contraignants.
Réussir l’installation des oliveraies en culture pluviale
En oléiculture pluviale (bour), il faut distinguer les oliveraies traditionnelles conduites d’une manière empirique séculaire, où la notion de rentabilité économique est absente, des oliveraies modernes à haute productivité. Si dans la première catégorie d’exploitations, les facteurs de production (sol, climat et mode de conduite) n’ont pas une grande signification, il n’en est pas de même dans la deuxième, située sur un milieu favorable et bénéficiant d’une conduite avancée et coûteuse.
Il s’ensuit qu’en oléiculture pluviale moderne, la notion de pérennité de l’exploitation doit être délaissée au profit d’une agriculture nouvelle, dont le seul indicateur de longévité est celui des rendements adéquats et de rentabilité économique suffisante permettant d’obtenir un produit de haute valeur et compétitif.
En milieux semi aride et aride, le sol est l’élément de base dans la vie du végétal en jouant un rôle de source d’eau et de nutriments pour les plantes. Les pluies entretiennent ses réserves hydriques qui vont être restituées à la plante au fur et à mesure qu’elle en aura besoin lors des différentes phases de développement. En culture pluviale, ce rôle de puits devient très important puisque l’olivier est en deçà de ses besoins en eaux estimés à 450 mm de pluie par an. En effet, étant parfois inférieure aux valeurs admises comme point de flétrissement permanent, l’humidité du sol devient cruciale pour la croissance de l’arbre. Ainsi, sous ces conditions contraignantes, l’olivier émet un enracinement puissant pouvant chercher l’eau même à plusieurs mètres du tronc aussi bien latéralement (jusqu’à 22 m) qu’en profondeur (5 à 6 m). Pour ce faire, il exige des sols sableux, légers et profonds. Néanmoins, les sols argilo limoneux peu profonds et trop compactés conviennent peu à l’olivier puisque l’alimentation en eau de l’arbre se trouve compromise pendant plusieurs mois de l’année.
Cependant, bien que sa biomasse et ses productions soient parfois faibles, l’olivier est la seule composante végétale qui permet d’assurer la durabilité de l’écosystème aride et qui empêche la désertification du milieu. Dans ces conditions, la réussite de sa culture nécessite un bon savoir faire quant à la conduite des plantations, au travail du sol et à la collecte des eaux de ruissellement et leur sauvegarde pour les moments critiques.
Effet du climat sur la croissance et la production
Généralement caractérisée par une alternance bisannuelle, la production de l’oliveraie en pluvial devient imprévue en milieux semi aride et aride où le déficit pluviométrique est chronique. Face à des conditions difficiles d’alimentation hydrique des arbres, les fluctuations dépassent le cadre d’une alternance physiologique régulière et devient souvent pluri annuelle. Une étude sur l’impact du climat sur la croissance et la production de l’olivier Chemlali de Sfax, conduit en pluvial en milieu aride, montre que la croissance végétative des arbres est tributaire de la pluviométrie de l’année et surtout, celle de l’automne. Les automnes pluvieux induisent une croissance végétative luxuriante qui se traduit par des rameaux longs à entre-nœuds longs, portant un nombre élevé de grappes florales. A l’opposé, ceux secs se caractérisent par l’absence de pousses ou des pousses de faible vigueur à entre-nœuds très courts ne portant pas (ou peu) de grappes florales.
En milieux contraignants, les productions de l’olivier au fil des ans se présentent le plus souvent en dents de scies avec des années à productions maximales et d’autres à productions minimales ou même nulles. De toutes les manières, il est évident que la croissance et la production sont conditionnées par plusieurs facteurs dont le plus pertinent reste la disponibilité de l’eau dans le sol, permettant la bonne alimentation hydrique de l’arbre et le bon déroulement de ses activités photosynthétiques et transpiratoires.
Effet du sol sur la croissance et la production
En milieu aride et semi aride, le sol est le facteur déterminant de la réussite des cultures pluviales. C’est grâce aux réserves hydriques du sol et à sa fertilité organique et minérale que l’olivier se maintient, croît et produit. Les études réalisées depuis plusieurs années en Tunisie et en Espagne, mettent en évidence l’importance de la qualité du substrat sur lequel pousse l’olivier sur la croissance et la production des arbres.
Des études menées sur l’impact du sol sur la puissance du système racinaire montrent que le nombre de racines et leur étendue à différentes profondeurs sont fortement dépendants de la nature du sol. Si en sol sableux, l’olivier adulte forme en moyenne 360 racines (tous diamètres confondus), dont 1,6 % environ colonisent des profondeurs supérieures à 1,2 m, en sol sablo limono argileux superficiel, il ne forme que près de 5600 racines et aucune d’entre-elles ne se trouve en deçà de 80 cm.
Ainsi, sur ces deux catégories de sol, le volume de terre prospecté par les racines dépasse 1000 m3 par arbre en sol sableux favorable et se limite à moins de 500 m3 en sol marginal fortement compacté. Outre les différences annuelles de productions enregistrées sur les deux catégories de sol, un autre constat non moins important est à considérer. L’olivier évoluant sur un sol non propice à sa culture entre en production 5 à 10 ans plus tard que celui planté sur un sol favorable. En outre, il vieillit plus rapidement (de 5 à 10 ans). Autrement dit, si l’âge productif de l’arbre planté sur un sol favorable est de 55 à 60 ans, il n’est que de 40 à 45 ans sur un le sol marginal, soit de 15 à 20 ans en moins.
Choix du matériel végétal
De nos jours, dans l’ensemble des pays méditerranéens, la multiplication de l’olivier se fait à l’aide de plants enracinés issus souvent de boutures semi-ligneuses. Ce mode de multiplication permet une formation rapide de l’arbre et une mise à fruit très précoce. Le choix des variétés à planter doit être bien justifié par leur adaptation au milieu de culture, d’une part, et par leurs performances et la qualité de leurs productions, d’autre part. En effet, si en culture intensive, on peut se passer de l’adaptation naturelle de la variété à son milieu de culture en lui fournissant un bon entretien, une bonne fertilisation et une irrigation adéquate, en culture pluviale, l’eau ou la fertilité du sol peuvent devenir des facteurs limitants. Il est évident que le choix des variétés doit être conditionné par leurs caractéristiques génétiques:
– Résistance à la sécheresse, aux gelés, aux attaques des maladies et des ravageurs
– Vigueur de l’arbre et aptitudes à la mécanisation de la récolte
– Adaptation à la nature du sol (sols calcaires, sols lourds asphyxiants, sols présentant une nappe phréatique proche de la surface, sols salins)
– Aptitudes productives, fertilité et alternance de production
– Qualité de l’huile produite (composition et teneur des acides gras).
Dans le cas des plantations relativement importantes, l’utilisation de plusieurs variétés à maturation échelonnée est recommandée. Cela permet de rationaliser l’utilisation des moyens matériel et humain de la ferme lors des opérations de récolte et de taille essentiellement, et de régulariser les phénomènes d’alternances de production. Par ailleurs, il permet d’améliorer la fertilité de certaines variétés auto-stériles par l’adjonction de variétés pollinisatrices.
L’optimisation des pratiques culturales sous des conditions climatiques difficiles résulte de l’application d’un paquet technique moderne de gestion des oliveraies et la réhabilitation de certaines techniques ancestrales efficaces telles que celles de collecte de l’eau et la réduction de la concurrence vis-à-vis de l’eau par certaines mauvaises herbes à développement estival comme le chiendent.
Grâce à sa grande plasticité, l’olivier s’adapte à une gamme très variée de sols. Il se développe dans les pays relativement humides du nord sur des sols qui contiennent en moyenne plus de 1,5 % de matières organiques. Dans les pays arides du sud, il se trouve le plus souvent sur des sols squelettiques très pauvres (0,1 à 0,5 % de matière organique).