TOXIQUE OU PAS ?
DÉJOUER LES DANGERS POTENTIELS DES PRAIRIES
Renoncules, galéga officinal ou digitale : la flore des prairies est riche, mais elle recèle parfois des plantes toxiques pour le bétail, même si les cas d’intoxication restent rares. Certaines plantes sont bien connues, d’autres moins. Revue de détail.
Face à des troubles de santé voire, au pire, un cas mortel dans le troupeau, l’éleveur s’interroge naturellement sur ce que ses animaux ont consommé. Certaines plantes présentes dans les prairies ou aux abords contiennent des substances toxiques pour le bétail. Si les animaux les évitent en vert ou si certaines plantes perdent leur toxicité en séchant ou avec la maturité, d’autres à l’inverse restent dangereuses dans les foins et les ensilages ou sont toxiques par leurs graines.
Tableau 1 : Plantes toxiques des prairies : à ne pas négliger
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La plus répandue d’entre elles est probablement la renoncule, avec plusieurs espèces : la renoncule âcre (Ranunculus acris), plus connue sous le nom de bouton d’or, très courante dans les prairies fraîches et pâturées, la renoncule bulbeuse (Ranunculus bulbosus) dans les milieux secs et la renoncule rampante (Ranunculus repens) dans les sols argileux, humides et riches en humus. Elles sont toxiques à des degrés variables, mais à un niveau qui reste faible.
Les renoncules sont toxiques en vert, surtout les feuilles à la floraison. Elles provoquent des troubles digestifs et une inflammation de la bouche.
Comme les animaux les évitent au pâturage, les empoisonnements restent très rares. Et comme la substance toxique, la protoanémonine, est volatile, elle disparaît après séchage : les renoncules dans les foins ne sont pas dangereuses.
Autre plante bien connue des prairies, la grande cigüe (Conium maculatum) renferme au moins cinq composés toxiques, dont la coniine. Elle en contient dans toutes ses parties, notamment les fruits. Mais la plante desséchée sur pied ou mêlée au foin perd quasiment toute sa toxicité.
Les empoisonnements sont donc également très rares. D’une part parce que la plante exhale une odeur désagréable lorsqu’on la froisse et est peu consommée par le bétail. D’autre part, il faudrait qu’un cheval ingère 2 kg de feuilles fraîches ou qu’un bovin en consomme 4 à 5 kg pour atteindre la dose mortelle, ce qui est très improbable.
Il en est tout autrement pour le galéga officinal (Galega offi cinalis), encore appelé sainfoin d’Espagne ou lilas d’Espagne. Il se rencontre heureusement rarement dans des prairies entretenues, plutôt dans des zones humides ou des bandes enherbées.
Les fleurs et les gousses de cette légumineuse sont très toxiques. Elles contiennent plusieurs substances dangereuses qui ne disparaissent pas lorsque la plante sèche : deux alcaloïdes, la galégine et l’hydroxygalégine, ainsi qu’un glucoside flavonique, la galutéoline.
La plante séchée est la plus dangereuse : un foin contenant 10 % de galéga peut entraîner la mort chez des bovins ou des ovins, souvent de façon très rapide après l’ingestion. La dose toxique est de 4 kg de plante fraîche pour les bovins, 400 g frais ou 100 g secs pour les ovins, voire seulement 40 g secs pour les chevaux.
Le séneçon jacobée (Senecio jacobaea) conserve lui aussi sa toxicité après la récolte. Il se rencontre surtout dans les prairies sèches ou saines, souvent en pieds isolés.
Le maximum de risque existe dès les premiers stades de la végétation, par la présence de substances dangereuses pour le foie (alcaloïdes hépatotoxiques), principalement pour les chevaux et les bovins. Les intoxications sont rares au pâturage, car il n’est pas consommé en vert. Le danger augmente avec l’ensilage, car les animaux ne peuvent pas trier lors de l’ingestion.
La digitale pourpre (Digitalis purpurea) se rencontre rarement dans les prairies, mais en bordure des champs et dans les haies.
Les feuilles sont les plus toxiques. Les empoisonnements, extrêmement rares, sont liés à la consommation de foin contenant des digitales, les animaux n’y touchent pas quand elles sont fraîches. Les composés qui la rendent toxiques, la digitoxine et la digoxine, lui confèrent également des vertus thérapeutiques, notamment cardiotoniques.
Les animaux ne consomment généralement pas non plus de prêles au pâturage. Sauf si la prairie en est entièrement envahie.
La prêle des champs (Equisetum arvense) est présente dans des prairies très dégradées, au bord des chemins ; la prêle des marais (Equisetum palustre) préfère, quant à elle, les prairies inondées ou marécageuses. Elles contiennent plusieurs composés toxiques : thiaminase (provoquant une déficience en thiamine ou vitamine B1, surtout chez les chevaux), alcaloïdes (palustrine, équisétine), saponosides et nicotine.
Les ruminants sont peu touchés par la déficience en thiamine, parce que cette substance est produite dans le rumen. Toutefois, l’intoxication peut survenir aussi bien chez les bovins que chez les équins, après une consommation de foin contenant plus de 5 % de prêles.
Source : Arvalis