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Pommier: Problèmes phytosanitaires dans la zone de Boumia

La haute Moulouya représente un milieu propice pour la culture du pommier. Sa situation géographique charnière entre le haut et le Moyen Atlas lui confère un climat favorable à la pomiculture, des types de sol convenables et une disponibilité en eau de surface et souterraine suffisante.  La production moyenne annuelle de pommes au niveau de la zone de Boumia dépasse les 50.000 tonnes.  La pomme de cette zone est réputée pour sa qualité gustative, son calibre ainsi que sa bonne conservation.

L’expansion de cette culture au cours de ces dernières années dans la haute Moulouya et précisément dans la zone de Boumia a induit également l’expansion des problèmes phytosanitaires rencontrés par les agriculteurs. Cette expansion a été accentuée également par les changements climatiques qui ont une influence sur la biologie des espèces végétales et animales.

Les principaux ravageurs redoutés par les pomiculteurs dans la zone de Boumia sont : le carpocapse, les acariens rouges, la mineuse et les pucerons. Pour les maladies rencontrées : la tavelure, les chancres, l’oïdium, et le bitter Pitt.

Les ravageurs 

 Le carpocapse

Le carpocapse (Cydia pomonella) représente l’ennemi le plus menaçant du pommier dans la haute Moulouya, étant donné que sa simple présence dans le verger induit une diminution de la qualité des fruits, et aussi parce que de nombreuses générations peuvent se succéder en une saison.

Les dégâts de ce ravageur sur les fruits sont de deux types :

– Légères morsures à la surface des fruits faites par les jeunes chenilles au moment de leur stade baladeur qui dure deux jours environ. Ces morsures se cicatrisent et deviennent des taches liégeuses.

– Des galeries dirigées vers les pépins et pleines de déjections larvaires causant une chute précoce des fruits.

Les acariens rouges 

L’acarien rouge est spécialement nuisible au pommier dans les régions d’altitude comme la zone de Boumia, et cause des dégâts considérables.

Ces ravageurs préfèrent un temps sec et chaud en été et en automne et s’attaquent surtout aux feuilles en vidant le contenu cellulaire. On observe alors une décoloration des feuilles, lesquelles deviennent jaunes pâle puis grisâtres, avant de tomber. Les piqûres réduisent la photosynthèse et provoquent une perte en eau. Il s’ensuit un affaiblissement de l’arbre et, par conséquent, le rendement et la qualité de la production sont sérieusement affectés.

Les conditions climatiques de la zone en question favorisent le développement de plusieurs générations avec une présence simultanée de tous les stades (œufs, larves, nymphe et adultes).

La mineuse 

Les attaques de la mineuse sont également fréquentes dans cette zone. Les larves creusent des mines dans le limbe, qui s’élargissent en fin de cycle. Chaque larve au cours de sa vie ne creuse qu’une seule mine dont la forme est caractéristique de l’espèce. Une seule feuille peut héberger plusieurs larves, parfois plus de trente. Lorsque les nervures sont sectionnées par les chenilles, la feuille se dessèche plus rapidement.

En cas de fortes pullulations, les chenilles peuvent provoquer une défoliation presque complète des arbres et compromettre la fructification en cours et le potentiel de mise à fruit pour l’avenir.

Les pucerons 

Les attaques de pucerons dans la zone de Boumia sont fréquentes. On rencontre les pucerons verts et les pucerons cendrés qui se nourrissent au détriment des pommiers. Ces ravageurs, les premiers de la saison, peuvent aussi sévir durant l’été.

Ils s’attaquent aux feuilles les plus tendres, apparaissant d’abord aux extrémités des jeunes rameaux dont les feuilles s’enroulent, se déforment et parfois se décolorent sous l’effet de leurs piqûres. Lorsque l’attaque est étendue et l’expansion très rapide, ils affaiblissent l’arbre et diminuent sa production.

Les pucerons lanigères sont également présents dans la zone. Ils hivernent dans des anfractuosités de l’écorce et se manifestent en été sous forme d’amas cotonneux blancs. Des boursouflures chancreuses apparaissent ensuite sur les branches et au niveau du collet. Les conséquences à long terme sont identiques à celles provoquées par les autres espèces de pucerons.

Autres ravageurs

D’autres ravageurs qui sont rencontrés occasionnellement dans la haute Moulouya concernent :

Les cochenilles : et surtout le pou de San José.

Les colonies forment des encroûtements sur les branches, les rameaux et les fruits. Elles provoquent l’éclatement de l’écorce et un dessèchement progressif de ces organes, puis le dépérissement des parties colonisées. Sous l’effet des piqûres causées par le ravageur et de l’injection d’une salive toxique, les rameaux se déforment, se dessèchent, les fruits sont dépréciés. Les arbres infestés peuvent se nécroser et mourir.

La teigne du pommier 

La larve se nourrissant à partir des organes de reproduction de la fleur, celle-ci ne s’épanouit pas et prend l’aspect d’un “clou de girofle”. Lorsque le débourrement est lent (printemps froid), la teigne peut déposer tous ses œufs dans des bourgeons parvenus au stade favorable. Les dégâts sont alors beaucoup plus graves. Les chenilles sont souvent abritées par un fourreau ou mine. Les pommiers proches des bois ou des vergers abandonnés sont plus particulièrement à surveiller.

Le psylle 

Par leurs piqûres, les larves et les adultes absorbent une grande quantité de sève, ce qui se traduit par un épuisement de l’arbre et une diminution de la récolte. Le miellat provoque des brûlures du feuillage et des fruits et le développement de la fumagine qui laisse des dépôts noirs importants. Les attaques graves entraînent la chute partielle des feuilles dans le courant du mois d’août. Les populations sont parfois maîtrisées naturellement grâce à l’action de Punaises prédatrices très actives en l’absence de tout traitement.

Les maladies

 La tavelure 

La tavelure est une maladie fongique qui s’attaque au pommier et au poirier. L’organisme responsable est le champignon le plus dommageable pour les vergers de pommiers dans la haute Moulouya. Il affecte principalement l’aspect extérieur des fruits en produisant des taches brunes, Cependant, dans le cas de branches infectées, la maladie peut aussi encourager la chute prématurée des fruits, accélérer la chute des feuilles et affaiblir l’arbre, ce qui résulte éventuellement en moins de bourgeons à fruits.

Son développement est favorisé par des conditions printanières fraîches, humides et pluvieuses. Les feuilles et les fruits sont plus sensibles à la tavelure lorsqu’ils sont jeunes et en période de croissance. Les jeunes fruits sont parfois déformés car la tavelure gêne la croissance de la peau. Les risques de la tavelure sont plus grands au printemps durant les périodes de croissance rapide du feuillage et des fruits. Les feuilles et les fruits matures sont plus résistants.

L’oïdium 

La maladie est favorisée par une hygrométrie et des températures comprises entre 10 et 20°C. Une forte humidité de l’air suffit à déclencher de graves infections. Les bourgeons commencent par pousser de façon déformée avant de se couvrir d’un feutrage blanc, ensuite les fleurs se dessèchent et les feuilles se couvrent d’un léger duvet blanc farineux. Elles finissent par se froisser et par prendre une apparence grillée. Si l’attaque n’est pas stoppée les fruits sont, eux aussi, atteints par des altérations superficielles de l’épiderme qui prennent une apparence liégeuse et réticulée.

La présence d’oïdium dans les vergers de la zone en question est remarquable. Il perturbe la photosynthèse et peut entraîner une baisse importante de rendement. La qualité des fruits peut aussi être affectée.

Les chancres

Rencontrés chez les arbres fruitiers dont le pommier est l’espèce la plus sensible à cet ennemi. Il se traduit par des nécroses de l’écorce, atteignant le tronc ou les branches. La zone de Boumia est une zone à vocation pommier, c’est pourquoi on rencontre fréquemment les chancres dans les vergers.

Il existe plusieurs formes de chancres, dont les symptômes varient légèrement, mais cette maladie est bien reconnaissable. Elle affecte l’écorce : une tache brune et concave apparaît et s’étend rapidement, sur le tronc ou sur les branches. Elle s’accompagne souvent de crevasses, de boursouflures, de bourrelets et autres déformations de l’écorce qui se nécrose, contaminant à son tour le bois sous-jacent. On peut aussi constater des écoulements de gomme dorée notamment en cas de chancre bactérien.

On distingue les chancres fongiques et les chancres bactériens. Les chancres ne sont pas à considérer à la légère : la branche malade s’affaiblit, les bourgeons meurent, feuilles et fruits jaunissent et tombent, puis la branche meurt. Les chancres peuvent détruire un arbre entier, s’ils s’attaquent au tronc ou à plusieurs grosses branches.

Le Bitter Pitt 

Le Bitter Pitt est une maladie physiologique associé à une carence en calcium ou un rapport (K+Mg)/Ca élevé. Il se manifeste par des taches sèches, brunes de consistance spongieuse, dépassant rarement 5 mm de diamètre, généralement visibles de l’extérieur, situées le plus souvent sous l’épiderme dans la moitié oculaire du fruit. La sensibilité des fruits à cette carence en calcium est accrue pour les arbres jeunes ou faiblement chargés dans le cas d’une alimentation irrégulière en eau et une date de récolte très précoce.

 Cette maladie représente une cause importante de déclassement des pommes après leur stockage dans les chambres froides.

Les moyens de lutte utilisés dans la zone 

A l’exception de certaines grandes fermes qui utilisent des techniques modernes comme le piégeage ou la confusion sexuelle en plus des produits phytosanitaires, la majorité des pomiculteurs se contentent des traitements chimiques.

Comme traitements d’hiver deux types de préparations sont adoptés :

– Un mélange des huiles blanches avec du cuivre et un insecticide de la famille des organophosphorés.

– Un mélange du soufre et un insecticide de la famille des organophosphorés

Ces mélanges sont utilisés juste après la taille pour lutter contre les formes hivernantes des pathogènes responsables des maladies du pommier ainsi que des œufs de ravageurs qui sont logés dans les échancrures de l’écorce et les écailles des bourgeons.

Comme traitements en pleine végétation, les pomiculteurs de la zone de Boumia utilisent les matières actives reportées ci-dessous pour lutter contre les ravageurs et les maladies du pommier :

Les ravageurs

  • Le carpocapse : Chlorantraniliprole, Thiacloprid, Idoxacarbe
  • Les acariens : Etixazole, Spirodicloféne, Abamectin, femazaquin, Acequinocyl
  • La mineuse : abamectin, Methomyl
  • Les pucerons : Imidaclopride, Pyrimicarbe, Chlorpyriphos ethyl

Les maladies 

  • La tavelure : Thiophanate methyl, carbendazime, Difen
  • L’oïdium : Penconazole, Trifloxystrobine, Myclobutanil
  • Les chancres : le cuivre
  • Le Bitter Pit: des traitements foliaires de calcium pour augmenter sa teneur dans le fruit. A partir de la chute des pétales.

Les mesures d’amélioration 

Dans les vergers de pommier la priorité est à donner à la prévention des maladies et à la surveillance des ravageurs. Pour les maladies cryptogamiques, la réduction de l’infection primaire permet de réduire l’impact des champignons. Pour les ravageurs la destruction des œufs et autres formes hivernales de résistance permet de contrôler efficacement les populations des différentes espèces et réduire l’intensité des attaques et les dégâts qu’ils génèrent.

Prophylaxie 

Au niveau de la zone de Boumia, la majorité des pomiculteurs ne pratiquent pas de mesures prophylactiques permettant la réduction de l’infection primaire des pathogènes et des populations de ravageurs, d’où il est indispensable de procéder à ces techniques qui consistent à :

  • Ramasser et détruire par le feu les feuilles et les fruits malades tombés au sol ainsi que les fruits malades restés sur l’arbre au moment de la chute de feuilles.
  • Enfouir par travail du sol les feuilles et les rameaux non détruit.
  • Pratiquer une taille adéquate et régulière des arbres, désinfecter les plaies de taille et éliminer les arbres attaqués.
  • Apporter une fumure azotée bien raisonnée pour éviter toute vigueur excessive des arbres.
  • Eviter le stockage des caisses en bois à proximité du verger qui servent comme abri aux larves notamment du carpocapse.
  • Aménager un abri pour les auxiliaires prédateurs.

Traitements d’hiver 

Les traitements d’hiver sont essentiels pour le bon état sanitaire des vergers de pommier car ils visent la destruction de plusieurs cibles :

  • Les formes hivernantes de certains ravageurs qui sont fixées sur les rameaux ou dans les anfractuosités de l’écorce
  • Les formes de conservation des principales maladies
  • Les mousses et les lichens qui servent de refuge à divers ravageurs.

Les différents traitements d’hiver sont :

  • Les huiles blanches sont des huiles minérales qui constituent le traitement d’hiver par excellence ayant des propriétés insecticides et acaricides. Elles permettent l’élimination de tous les parasites installés dans les creux de l’écorce. Ce traitement devra être utilisé à l’approche du débourrement
  • La bouillie bordelaise est un traitement d’hiver contre la tavelure et autres pathogènes. Elle est composée d’un volume de sulfate de cuivre, un volume de chaux et dix volumes d’eau. Un seul traitement après la taille. Elle peut être associée à une pulvérisation de soufre pour une efficacité soutenue.
  • Les huiles végétales sont de redoutables insecticides qui agissent par asphyxie des insectes hibernant dans l’écorce des arbres. Elles ont l’avantage d’être naturelles ce qui réduit l’impact sur l’environnement.
  • Le blanc arboricole ou le lait de chaux est un traitement d’hiver efficace contre les parasites et maladies du pommier.

Le piégeage et confusion sexuelle 

Le piégeage sexuel qui est devenu un outil routinier dans plusieurs régions arboricoles au Maroc, n’est pas de même dans la zone de Boumia. Il s’agit d’un moyen d’avertissement utilisé pour l’amélioration de la lutte contre certains ravageurs en l’occurrence le carpocapse.

Ces pièges sont garnis de phéromones de synthèse qui imitent les effets des phéromones naturelles. Il est recommandé de les installer dés fin mars jusqu’à la récolte. Le piégeage sexuel précède le risque encouru par le verger et permet de prendre en compte les déplacements des papillons.

En pratique, le relevé des pièges s’effectue trois fois par semaine sachant que le pommier est sensible pendant toute la durée des vols. Il est recommandé de compléter le piégeage sexuel par un contrôle visuel régulier au verger, particulièrement à la fin du premier vol. L’application du traitement chimique aura lieu dés que le seuil d’intervention est dépassé.

La confusion sexuelle consiste en l’installation de diffuseurs qui émettent tout le long de la saison une phéromone similaire à la phéromone sexuelle naturelle émise par la femelle du carpocapse dans le but de désorienter le mâle pour empêcher l’accouplement avec la femelle. Le cycle du ravageur se trouve alors interrompu avant le stade larvaire nuisible.

Cette technique permet l’économie des traitements chimiques et la préservation de l’environnement cependant son utilisation ne peut être assumée par un seul arboriculteur, elle doit être convenue d’un commun accord entre les propriétaires des vergers voisins sachant que cette opération est couteuse. La confusion sexuelle sera sans doute une solution dans les vergers assez grands (supérieurs à quatre ha), homogènes, peu infestés, relativement isolés avec un environnement sain.

Stratégie de gestion des résistances 

Le développement de la résistance aux pesticides par certains ravageurs tels que le carpocapse et les acariens rouges et certains pathogènes comme la tavelure et l’oïdium posent des problèmes aux pomiculteurs. Il est donc conseillé :

  • de connaitre les produits et leur matière active et choisir autant que possible ceux appartenant à des groupes différents pour la rotation des pulvérisations.
  • d’alterner les produits selon leur mode d’action
  • d’utiliser des produits à large spectre d’action
  • de faire des applications préventives qui sont préférables aux curatives
  • de changer le produit et le groupe du produit entre la première génération G1 et la deuxième génération G2 du ravageur.
  • de ne pas dépasser au maximum deux applications consécutives d’un pesticide du même groupe possédant un seul site d’action.
  • De choisir le moment de l’application de manière que le produit entre en contact avec l’agent ennemi au stade de son cycle biologique le plus sensible.
  • De privilégier la lutte biologique en choisissant des pesticides moins nocifs pour la faune auxiliaire.
  • d’utiliser un insecticide d’origine microbiologique, au moins sur une génération entière, toutes les trois générations.

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