Organisation de la filière de protection des plantes au Maroc

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Le Ministre de l’Agriculture, M. Mohammed Sadiki, a présidé le 9 juillet dernier à Casablanca l’ouverture de la 2ème édition de la journée de communication nationale de l’Association Marocaine des Distributeurs et Revendeurs de Produits Phytosanitaires (AMDRP), sous le thème « La santé des plantes : un levier essentiel du développement agricole ». Cet événement a réuni le Président de la COMADER, des professionnels du secteur de la protection des plantes, ainsi qu’une importante délégation de responsables du ministère.

Cette journée a rassemblé près de 500 participants représentant toutes les régions agricoles du Royaume, ainsi que des entreprises leaders dans l’importation et la distribution des intrants agricoles. L’objectif était de promouvoir l’organisation de la filière de la protection des plantes et de structurer la distribution des pesticides pour une agriculture durable, respectueuse de la santé et de l’environnement.

Dans son discours d’ouverture, le ministre a affirmé que la durabilité ne peut être atteinte que par des politiques et des actions concrètes sur le terrain, notamment par l’adoption de techniques agricoles innovantes et de pratiques respectueuses de la santé et de la sécurité sanitaire des produits alimentaires et de l’environnement. Il a également insisté sur la nécessité d’une utilisation correcte et rationnelle des produits phytosanitaires, dans le respect de la législation en vigueur et des normes de qualité, afin d’éviter tout danger pour la santé humaine, animale ou pour l’environnement. M. Sadiki a également souligné que le plan national de phytopharmacovigilance encourage le recours à la lutte intégrée contre les organismes nuisibles et aux méthodes de substitution, telles que les moyens non chimiques alternatifs aux produits phytopharmaceutiques.

Pour sa part, le secrétaire général de l’AMDRP, M. Abdelaziz Azizi, a indiqué que cette journée vise à formuler des recommandations pour améliorer le cadre légal et opérationnel du secteur de l’agriculture, contribuant ainsi au développement agricole et à la sécurité alimentaire du pays.

La journée a par ailleurs porté sur la présentation et la discussion du cadre législatif relatif aux produits phytosanitaires, notamment la loi N°34-18 qui réglemente la mise sur le marché, l’utilisation, le contrôle des produits phytopharmaceutiques et les activités qui leur sont liées.

Caractéristiques du marché des phyto au Maroc

Le marché des produits de protection des plantes (PPP) au Maroc est un marché libre, diversifié, attractif et très concurrentiel. Les entreprises internationales les plus connues dans l’agrobusiness y sont présentes, soit à travers leurs filiales, soit par le biais des compagnies marocaines qui distribuent leurs produits. 95% de ces produits sont importés prêts à l’emploi, le reste est formulé à base de pré-mix ou de concentré. Cependant, 35% à 45% de ce qui est importé est reconditionné en petits emballages adaptés, pour satisfaire les besoins des petits agriculteurs. En ce qui concerne la répartition entre les 3 types de produits, l’importation moyenne sur 10 ans montre, en termes de tonnages : 44% de fongicides, 43% d’insecticides et 12% d’herbicides.

La consommation des produits phytopharmaceutiques varie considérablement, d’une année à l’autre, en fonction principalement des variations du climat, de la pression des ennemis de culture, mais aussi en fonction des régions, des modes de conduites et des spéculations. En termes de marché, on constate que 10 cultures consomment pratiquement 80% des pesticides à usage agricole utilisés au Maroc, notamment : la tomate sous serre, la betterave à sucre, les agrumes, les céréales d’automnes et la vigne.

Compte tenu des modes de conduites, ce sont les cultures intensives, et plus particulièrement celle qui sont destinées à l’export, ou celles conduites sous ambiances plus ou moins contrôlées, qui consomment le plus de produits. Ceci ne veut pas dire pour autant que ces spéculations reçoivent des traitements systématiques. Au contraire, les agriculteurs qui exercent dans ce domaine n’ont absolument rien à envier à leurs homologues européens. Ils pratiquent des programmes de traitements raisonnés et pour certains, des programmes de lutte intégrée pour être en conformité avec les exigences et normes des marchés destinataires.

Le Maroc est d’ailleurs considéré comme l’un des plus faibles utilisateurs de produits phytosanitaires (1,5 kg/ha), comparé à d’autres pays comme l’Espagne (3 kg/ha), les Pays-Bas (11kg/ha), … En conséquence, les opérateurs du secteur estiment que les potentialités réelles du marché marocain sont de 1,8 fois ce qui est utilisé actuellement. Ainsi, pour les céréales qui représentent pratiquement le cinquième du marché et qui sont primordiales pour la sécurité alimentaire du pays, les surfaces traitées ne représentent que 50% (en année normale) de leurs potentiels. Le secteur des céréales reste malheureusement le parent pauvre dans ce domaine. Paradoxalement, il s’agit des cultures qui représentent le potentiel économique le plus important et le plus fiable pour l’expansion des produits phytosanitaires.

Le rôle crucial des distributeurs

Au Maroc, il existe, en pratique, 3 niveaux de distribution de pesticides : les importateurs-distributeurs, les distributeurs grossistes et les revendeurs détaillants. Chacun joue un rôle très important dans la chaîne de distribution et surtout dans la vulgarisation et les conseils prodigués aux agriculteurs, plus particulièrement aux petits d’entre eux, qui ont en grand besoin, avec l’insuffisance des services de vulgarisation de l’Etat.

Selon les informations disponibles, il existe 1700 revendeurs et distributeurs de produits phytosanitaires recensés à ce jour par l’ONSSA dans notre pays. Ces revendeurs jouent un rôle important au niveau de l’approvisionnement des produits, particulièrement dans ce contexte de sécheresse, puisqu’ils jouent un rôle de’’banque’’ pour les agriculteurs. En effet, la plupart des revendeurs ne sont payés qu’après la récolte. Néanmoins, quand les années de sécheresse se succèdent, l’agriculteur a du mal à payer ses dettes, ce qui impacte financièrement le revendeur et l’ensemble de la chaine.

La plupart de ces revendeurs sont concentrés dans les périmètres irrigués ou les zones dites « Bour Favorable ». Autrement dit, les zones semi arides ou montagneuses sont peu servies, ce qui a un impact direct sur la multiplication des marchands ambulants, présents surtout dans les souks hebdomadiers, et des produits de la contrefaçon.

Réglementation

Au Maroc, l’importation, la fabrication, la vente, ou la distribution, même à titre gratuit, des pesticides à usage agricole est sujette, pour les sociétés, à l’obtention d’un agrément pour exercer cette activité, et pour les produits pesticides, à une attestation d’homologation ou, à défaut, d’une autorisation de vente délivrée par l’ONSSA dans les conditions prévues par la loi 42-95 et de ses textes d’application. Pour être importé et commercialisé dans notre pays, un produit phytosanitaire est soumis à une procédure d’homologation qui vise à garantir l’efficacité, la sélectivité et l’innocuité du produit mis sur le marché à l’égard de l’homme, des animaux et de leur environnement.

Un produit homologué est autorisé pour un ou plusieurs usages, qui peuvent varier selon la culture, le ravageur et le mode d’application. Cette procédure d’homologation nécessite un minimum de deux à trois années. Une fois homologué, le produit est soumis lors de sa phase d’importation, de stockage, de distribution et de commercialisation à une procédure de contrôle de la part des services de la répression des fraudes pour s’assurer de sa qualité et de sa véracité. Dans notre pays, des sociétés phytosanitaires sont agréées pour exercer cette activité et leur effectif est appelé à augmenter, vu le nombre de demandes d’agréments en cours.

Les textes législatifs régissant le secteur des phytosanitaires sont en cours de révision, pour les mettre à niveau et les adapter aux exigences croissantes et aux changements incessants. Les professionnels attendent la sortie des textes d’application de la loi n° 34-18 relative aux produits phytopharmaceutiques qui détermine les conditions et les modalités d’agrément. Adoptée en 2021, cette nouvelle loi est venue combler les lacunes de la loi N°42-95 relative au contrôle et à l’organisation du commerce des produits pesticides à usage agricole (de 1996).

La loi n° 34-18 stipule que l’exercice des activités de fabrication, de reconditionnement, d’importation, de distribution en gros et de distribution au détail des produits phytopharmaceutiques et des adjuvants, ainsi que de prestation de services pour leur utilisation, à l’exception du conseil, est subordonné à l’obtention d’un agrément délivré à cet effet par l’autorité compétente. L’exercice d’une même activité dans plusieurs locaux est subordonné par ailleurs à l’obtention d’un agrément pour chaque local utilisé. L’agrément a une durée de validité de dix ans à compter de la date de sa délivrance. Il peut être renouvelé pour la même durée, lorsque les conditions ayant permis sa délivrance continuent à être remplies.

Retrait massif des PPP

Parmi les problèmes soulevés par la profession, les retraits massifs et imprévisibles des PPP et les difficultés à reconstituer les catalogues, tant en nombre de produits qu’en autorisations d’usage. Il faut, en effet, au moins une année pour trouver un fournisseur et un nouveau produit, plusieurs mois pour compiler le dossier d’homologation, et au moins deux années pour réaliser les essais et obtenir enfin l’autorisation de vente pour un ou deux usages.

Pour obtenir le droit de vendre ce produit sur d’autres cultures et contre d’autres bio agresseurs, afin de remplacer les usages qui étaient autorisés pour le produit retiré, il faudra mener jusqu’à 40 essais (dans certains cas), ce qui nécessite plusieurs années. Certains usages ne seront pas remplacés à cause du coût et du temps nécessaire pour la réalisation des essais. Ceci met les sociétés importatrices dans l’impossibilité de continuer à présenter aux agriculteurs des programmes de traitements couvrant l’ensemble des cultures et des usages.

Selon l’index phytosanitaire de l’ONSSA, 1156 produits phytosanitaires et 316 matières actives sont homologués au Maroc. Il y a des produits ou matières actives qui sont retirés en raison de leur risque de toxicité. D’autres sont néanmoins enlevés pour des raisons commerciales, du fait que leur homologation n’a pas été renouvelée en Europe. Il est à signaler que ces produits restent, par exemple, toujours homologués dans d’autres pays comme les Etats-Unis, le Japon, l’Australie…

Grands défis du secteur

Parmi les problèmes et les difficultés qui entravent la bonne marche de ce secteur, il y lieu de citer :

– La contrebande et la contrefaçon estimées entre 10% et 15% du marché. Elles constituent un fléau pour l’économie nationale et représentent un danger pour la santé des utilisateurs et des consommateurs et un risque pour l’environnement.

– L’insuffisance des actions de vulgarisation de la part de l’Etat en faveur des bonnes pratiques phytosanitaires et de la promotion d’une lutte raisonnée et ou intégrée, gage d’une agriculture durable.

– Le peu de moyens dont disposent les services des homologations, aussi bien au niveau central que régional, dont les conséquences sont, un retard dans les traitements des demandes et une accumulation de dossiers d’homologations.

– Le cas des marchands ambulants et les risques qu’ils représentent.

– Des produits retirés, donc interdits à la vente, existent encore sur le marché parallèle.

– Certains magasins achètent, pendant la période autorisée à leur écoulement, des quantités Importantes de produits retirés, pour les stocker en vue de les commercialiser plus tard à 3 voire 10 fois leurs prix habituels. Ceci gène considérablement les remplacements des produits bannis, oblige les agriculteurs à traiter à des prix exorbitants et retarde la réalisation des objectifs de l’ONSSA.

– L’absence d’une stratégie d’homologation pour les usages mineurs, entravant les exportations.

– La nécessité de trouver une solution concertée pour les emballages vides et les stocks obsolètes de pesticides.

– Certaines matières actives interdites pour tout usage agricole à cause de leur degré de toxicité, sont encore utilisées dans le domaine de la santé publique. Elles constituent de ce fait un danger pour les citoyens et l’environnement. Ceci en plus de la possibilité de leur utilisation illégale dans le domaine agricole.

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