Trois ravageurs des Carduacées cultivées :
Cassida deflorata Suffr (Col., Chrysomelidae), Sphaeroderma rubidium Graelles (Col., Halticidae) et Hydraecia xanthenes Germ (Lep., Noctuidae)
Prof. HMIMINA M., IAV Hassan II – Rabat
Les artichauts (Cynara scolymus) et les cardons (Cynara cardunculus), réputés pour leur goût raffiné, comptent tant parmi les légumes réservés à notre gastronomie pour nous inciter à considérer de plus près leurs ravageurs. En effet, deux Coléoptères et un Lépidoptère y vivent régulièrement et redoutablement (Cassida deflorata, Sphaeroderma rubidium et Hydraecia xanthenes) qu’il faudrait reconnaitre et en donner des indications pour leur contrôle de manière à préserver ces légumes d’une assez grande consommation.
La Casside de l’artichaut : Cassida deflorata
Dans un article antérieur (voir Agriculture du Maghreb janvier 2016) nous avons présenté le cycle de la casside de la betterave (Cassida vittata) qu’on accusait à tort de produire aussi des dégâts sur les artichauts du Gharb. Il s’agit de toute évidence d’une erreur; la casside rencontrée sur artichaut est bel et bien une espèce différente dénommée Cassida deflorata. Les Cassida vittata susceptibles d’être observées sur artichaut sont là par hasard et n’utilisent cette plante que comme gîte transitoire.
Les adultes de C. deflorata, ravageur notoire des artichauts, sont d’une forme très particulière qui les distingue aisément de C. vittata. De 7 mm de long, vert uniforme en dessus, ils sont ovoïdes, peu voûtés dorsalement et aplatis ventralement. Leurs élytres élargis sur leur pourtour cachent la tête et les pattes. Leur dessous est noir. La tête visible, lorsqu’on retourne l’insecte sur le dos, est assez brillante, allongée, plus longue que large. Les antennes, de couleur jaunâtre et aux extrémités noires, sont plantées l’une à coté de l’autre au milieu du front. Les pattes sont testacées et les cuisses presque entièrement noires. Les tarses ont 4 articles dont le dernier montre deux grands ongles recourbés.
Les adultes apparaissent vers février et se regroupent sur les feuilles et les pousses qu’ils attaquent en les criblant de trous irréguliers. Peu après, ils pondent leurs œufs par paquets agglutinés au revers des nervures et des limbes de l’artichaut. Il en éclot des larves bien singulières, assez plates, élargies en avant et rognées en pointe en arrière. Elles sont de teinte vert foncé, presque noire en dessus et olivâtre en dessous; les pattes sont noires. Comme chez C. vittata, leur partie postérieure montre deux expansions formant la fourche caudale où s’accumulent les mues larvaires successives (Fig. 1).
Figure 1. Larve et adultes de C. deflorata
Pour se nourrir, les larves pratiquent de nombreux décapages sur les feuilles de l’artichaut, respectant l’épiderme de la face opposée. On ne connait pas son cycle biologique, mais on suppose, comme ce qui est établi pour C. vittata, qu’il hiverne au stade adulte dans divers végétaux disponibles au voisinage des artichauts qu’il colonise au printemps. Les larves naissent des pontes des adultes hivernants revenus sur leur hôte. Les larves deviennent matures vers fin printemps et évoluent en nouveaux adultes qui hiverneront. Il semble bien, jusqu’à plus ample informé, que C. deflorata, comme sa sœur C. vittata, développerait une seule génération par an. Sur la base de ces observations, on peut recommander, pour modérer les invasions du ravageur, de traiter à l’arrivée des adultes hivernants sur les artichauts au moyen de l’un des produits homologués contre C. vittata.
L’altise de l’artichaut : Sphaeroderma rubidium Graelles
L’altise de l’artichaut est un petit Coléoptère, en apparence peu mobile, qui saute avec une extrême facilité et se dérobe à la vue si on cherche à le saisir. Jaune ferrugineux, hémisphérique, large et arrondi, finement ponctué, il mesure 3 mm (Fig. 2). Sa tête est large, porte des antennes de 11 articles insérées entre ses gros yeux réniformes. Ses côtés sont rétrécis en avant et son rebord latéral reste entièrement visible lorsqu’on regarde l’insecte par-dessus. Ses élytres faiblement ponctués sont sans stries. Les cuisses sont fortement dilatées ; tarses de 4 articles dont le troisième est cordiforme et bilobé comme un cœur.
La biologie de cette espèce est méconnue dans nos conditions où elle a été signalée la première fois sur artichaut par Kozlowsky et Rungs en 1932 sous le nom de Sphaeroderma rubidum. Au printemps, on observe des regroupements d’insectes sur les feuilles d’artichaut dont ils dévorent les longs poils laiteux qui garnissent le limbe, puis entachent les parenchymes en respectant l’épiderme de la face opposée. Ils criblent ainsi le végétal de morsures caractéristiques, surtout le long des nervures. Selon la bibliographie, il estive de mai à septembre sous divers abris, notamment les pierres et les feuilles des plantes basses les plus diverses. Les adultes retournent sur les artichauts dès les premières pluies automnales. Ils s’alimentent et s’accouplent pour produire des œufs au courant octobre. Les œufs sont déposés sur les nervures principales des feuilles d’artichaut. Les jeunes larves qui en éclosent perforent le chorion par la face appliquée sur le végétal et pénètrent dans les tissus végétaux sans se montrer. Elles cheminent quelque temps dans l’épaisseur de la nervure, puis se dirigent dans le limbe où elles creusent de longues galeries sinueuses entre les deux épidermes, bien perceptibles par transparence. Elles terminent leur développement vers décembre en perforant l’épiderme et se laissent tomber au sol où elles s’enfoncent de quelques centimètres pour aménager une logette nymphale et y demeurer jusqu’à mars.
Figure 2. Altise de l’artichaut
La noctuelle de l’artichaut : Hydraecia xanthenes Germ
Cet insecte commet de graves dégâts dans les cultures d’artichauts du Tadla et du Gharb. C’est un grand papillon caractérisé par une bande terminale grise de l’aile. Les taches réniforme et orbiculaire apparaissent en jaune sur un fond jaune gris (Fig. 3). Les ailes postérieures sont grises. La chenille se reconnait par sa tête brune, son écusson prothoracique bordé de sombre, partagé par un sillon clair, et des pattes thoraciques annelées de noir.
Figure 3. Hydraecia xanthenes (papillon et larve)
Les papillons restent immobiles le jour à l’intérieur des touffes d’artichaut. La ponte a lieu en octobre à la base des pieds, dans les feuilles séchées ou le long de la nervure de la face inférieure. Un mucilage les assemble et les fixe solidement au substrat et retient avec des écailles et des débris de terre, si bien que parfois ils deviennent difficilement perceptibles. De ces œufs sortent des larves qui grimpent le long de la plante et s’introduisent dans la tige par l’extrémité des pousses. Elles dévorent la moelle de l’axe y creusant des trous d’évacuations de leurs déjections et remontent fréquemment jusque dans le réceptacle des capitules qu’elles sillonnent de grosses galeries. La plante ainsi minée s’affaiblit, se fane, ne fournit plus de fleur et se brise facilement. Quel que soit le nombre de larves écloses par pied, il n’en reste pas plus d’une chenille par pétiole.
Le cycle est mal connu dans notre pays mais compte tenu des observations disparates disponibles, on estime que la noctuelle est monovoltine. Elle passe l’automne et une partie de l’hiver au stade œuf en diapause.
Au sujet de la lutte, l’une des méthodes préventives que l’on puisse conseiller contre cet insecte est l’incinération des plants attaqués en été.